Les Géants de Belgique ont retrouvé leur gaîté
Le Monde Illustré – 25 septembre 1945
(Collection D. De Coune /Terre de Géants)
La petite ville d’Ath, en Belgique; vient de retrouver, dans le quatrième dimanche du mois d’août, .son traditionnel et célèbre cortège fait de géants plusieurs fois centenaires, dont l’origine se perd, ou presque, dans la nuit .des temps.
A la différence de beaucoup de cortèges historiques, dont le propre est de défiler en silence entre deux haies de curieux, celui d’Ath est des plus brillants et des plus animés. Accompagnés par d’innombrables musiques les fameux géants, Goliath, Mme Goliath, Ambiorix, Samson et Mam’sell Victoire dansent, malgré leur taille et leur poids, avec une légèreté et une aisance surprenantes, au grand enthousiasme des milliers de spectateurs – nos amis belges sont friands de ces farces au caractère burlesque et bon enfant – accourus assister à la fête.
Le plus fameux des géants, « Goliath », haut de 4 m. 20, ne pèse pas moins de 120 kilos. Il porte une cuirasse, une massue garnie de pointes, une épée et un casque surmonté d’un dragon. Il fait partie du cortège depuis l’an 1486 !
Son épouse, « Madame Goliath » (qui ne lut fut adjointe qu’en 1715); mesure 4 mètres de haut et pèse 116 kilos.
Le samedi qui précède la fête, les épousailles de ces deux géants fournissent déjà un prétexte à la Joie générale. La cérémonie se déroule devant le portail de l’église Saint-Julien, en présence des prêtres chantant des vêpres solennelles et des autorités municipales, bourgmestre en tête. Lorsqu’elle est terminée, les deux époux sont autorisés à échanger leur premier baiser. Après quoi, la population les accompagne vers la Grand-Place où ils se mettent à danser, malgré les avatars que leur fait subir le nain David, armé d’une pierre: .
Une « Brabançonne » bien enlevée. salue finalement la victoire du géant et clôture cette première Journée de fête.
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Au défilé du lendemain apparaissent les autres géants : Ambiorix, à la tête recouverte d’une peau de bête, portant un arc .et un carquois et qui pèse quelque 129 kilos ; Samson, attribut. et emblème d’une compagnie de canonniers-arquebusiers, figurant dans le cortège depuis des siècles, Mam’ sell Victoire, enfin, qui symbolise la cité d’Ath dont elle porte les couleurs en même temps qu’elle arbore sur sa tête une couronne crénelée rappelant l’importance stratégique de la ville de la fin du XIIe au début XIXe siècle.
Des personnages costumés, des chars fleuris, des musiques· complètent l’amusant et pittoresque cortège. Et les réjouissances s’achèvent – fait appréciable en ces temps de restrictions – par la dégustation d’immenses tartes qui sont, comme cette joyeuse fête, une des spécialités de la cité.
Reportage G. Champroux