La tradition des Géants, au sens actuel de posture, remonte au XIIIème siècle . Néanmoins, ne faut-il pas voir de glorieux « ancêtres » dans les géants mystiques empruntés aux mythologies grecques ou latines avec les exploits d’Hercule contre le géant Atlas, aux religions du Livre avec le combat de David contre Goliath, voir païenne comme l’affrontement de Siegfried contre Fafner. En un mot, le triomphe du Faible face au Puissant ou du Bien contre le Mal.
C’est d’ailleurs dans la notion de Bien et de Mal qu’apparait pour la 1ere fois le Géant en tant qu’élément profane dans la scénographie du Mystère moyenâgeux. Le Mystère est un drame liturgique ou semi-liturgique de représentation des mystères de l’Incarnation et de la Résurrection, sous la forme d’un « spectacle » en langue vulgaire (la langue parlée par le profane (le Peuple) à opposer à la langue sacrée, le latin parlée par l’élite nobiliaire et religieuse). Ce spectacle didactique fut rapidement représenté hors des lieux sacrés sur le parvis des églises, des cathédrales…
Cette évolution de la religion, du mystère de la messe dans un lieu consacré vers un spectacle ouvert au profane, avait pour but de permettre l’éducation religieuse du peuple. La procession peut-être considéré comme le prolongement mobile de cette éducation. Les conditions étaient réalisées pour permettre aux Géants de participer à ces processions. Le Géant était né !
La première mention probable de géants processionnels est portugaise, dans la ville d’Alanquer, au XIIIème siècle. Les processions religieuses sont affirmées en péninsule ibérique après la Reconquista, la reconquête catholique de l’Espagne contre les musulmans.
A la fin du XIVème siècle, les premières figurations gigantesques sont attestées à Anvers (1398).
Au XVème siècle, dans les Pays-Bas, le phénomène s’affirme : douze Goliath marchent dans les processions au côté de six Saint-Christophe (pas toujours sur échasses), d’un Hercule et d’un Samson. Saint Georges combat le dragon (pas toujours gigantesque) au moins dans douze villes tandis que le cheval Bayard est chevauché par les quatre fils Aymon dans dix villes.
Dès cette époque, des géants identiques animent les processions espagnoles: le saint Christophe et le Goliath de Barcelone sont attestés dès 1424. En Angleterre, Samson est présent à Leicester en 1461. Goliath contribue aux cérémonies qui célèbrent l’entrée de Philippe le Bon à Dijon (1454) et celle de Charles VI à Troyes (1486). Seul, le groupe du Cheval Bayard reste strictement limité aux Pays-Bas.
La majeure partie de ces figurations sont religieuses. Les récits bibliques du combat de David et de Goliath ou des hauts faits de Samson voisinent avec l’histoire du héros qui porte le Christ (saint Christophe) ou avec l’affrontement de saint Georges avec le dragon rapportés par la Légende dorée. Hercule issu de la mythologie grecque et l’histoire du Grand Bayard constituent les seuls éléments tout à fait profanes.
Ces « histoires » s’intègrent, en effet, habituellement dans une procession religieuse. Les groupes figuratifs se multiplient au XVème siècle et illustrent des scènes rapportées par l’Ancien (l’histoire de Daniel) et le Nouveau Testament (la Nativité, l’Annonciation) ou par la Légende dorée (Saint-Michel et le diable). Comme on le voit, ces représentations ne mettent pas toujours en scène des géants ou des monstres. Ceux-ci n’apparaissent que lorsqu’ils ont cette taille exceptionnelle dans le récit religieux qui a inspiré les organisateurs. Saint-Christophe a été représenté par un homme de taille élevée avant d’utiliser les échasses au milieu du XVème siècle. C’est à la même époque que les mannequins d’osier apparaissent (Goliath à Bergen-op-Zoom en 1447)
D’une part, les géants participent à l’édification religieuse d’un peuple illettré en illustrant des épisodes de la Bible et de la vie des saints. D’autre part, ils servent d’attractions lors des « Ducasses » ou autre Fêtes patronales mais également lors des processions de la Fête-Dieu (Corpus Christi) et des rogations.
Dans certaines régions d’Europe, la Contre-Réforme et l’époque baroque renforcent le phénomène. Petit à petit cependant, l’Église va combattre ces éléments qui disparaîtront des processions au profit de cortèges laïcs.
Au XVIème siècle, l’Espagne de Charles Quint, Empereur d’Occident (né à Gand), règne sur un empire qui comprend l’Espagne, le Saint-Empire Romain Germanique (La partie occidentale de l’Allemagne actuelle), les Pays-Bas bourguignons (Le Benelux actuel est une partie du nord de la France), la Franche- Comté et les provinces du Nouveaux Monde (découvert en 1492 par Christophe Colomb).
L’édit des kermesses de Joseph II d’Autriche (1786) porte un premier coup aux géants de processions. Celles-ci doivent avoir lieu à la même date pour tout le pays (30 avril) et sans éléments profanes !
La Révolution française considère les géants comme des symboles de la superstition et de l’intolérance. Les processions sont supprimée et les géants d’Ath, par exemple, sont brûlés par les Révolutionnaires le jeudi 28 août 1794.
Dans les Pays-Bas, en 1819, le gouvernement hollandais interdit les éléments profanes. Il fallait choisir. Bien souvent, les gens, très attachés à leurs géants, emblèmes de leur cité, les gardèrent dans un cortège laïc ou les séparèrent de leurs processions religieuses.
Le XIXème siècle sera celui de la renaissance du géant ; la pensée romantique, à la recherche des origines de l’homme et de la société, offre un terreau favorable à la renaissance des traditions anciennes, donc à celle du géant. Considéré comme le fondateur et le protecteur des villes, le géant voit son rôle s’accroître à mesure que celles-ci prennent de l’importance, notamment avec la révolution industrielle et l’augmentation de la population.
Gayant et sa famille, Douai. Souvenir du concours international de 1869
Les sorties des géants ont été arrêtées lors des deux guerres mondiales, mais la tradition reprend à la fin du XXe siècle. Certaines villes créent alors de nouveaux géants, comme Cafougnette en 1948 à Denain. D’autres villes ressuscitent leurs géants disparus, comme Steenvoorde avec la Belle Hélène, une géante qui a vu le jour en 1853 et fut recréée en 1980.
La Légende Dorée
La Légende dorée (Legenda aurea) est un ouvrage rédigé en latin par Jacques de Voragine entre 1261 et 1266 qui raconte la vie de 180 saints, saintes et martyrs chrétiens ainsi que certains épisodes de la vie du Christ, suivant le calendrier liturgique.
Initialement intitulée Legenda sanctorum alias Lombardica hystoria, qui signifie littéralement « ce qui doit être lu des saints », cette œuvre est rapidement appelée Legenda aurea car son contenu, d’une grande valeur, est aussi précieux que l’or. Outre les vies de saints, environ 40 % de la Légende dorée est consacrée aux explications des fêtes religieuses principales, qui renvoient à la vie du Christ. L’ensemble des vies de saints et des explications de fêtes religieuses est présenté dans l’ordre du calendrier, à partir de l’avent. L’abrégé d’histoire de l’Europe qu’il donne, commençant au VIe siècle avec l’arrivée des Lombards, lui vaut également le nom d’Histoire lombarde.
Hauts en couleurs, largement destinés et utilisés par les prédicateurs, ces récits avaient pour vocation d’exalter la foi, car le véritable sujet de la Légende dorée est le combat que mène Dieu contre les esprits du Mal, s’exprimant notamment dans le courage des martyrs qui démontre finalement l’impuissance des persécuteurs. La Légende dorée est ainsi conçue comme un instrument de travail, servant à la préparation de sermons à destination notamment des urbains, plus sensibles aux hérésies (cathares, vaudois). Elle fournit ainsi une collection de modèles de vie exemplaires, destinés à émailler les prédications.
(Source Wikipedia)
Personnages
De la Bible
Goliath (Belgique, France, Catalogne…)
Samson (Belgique, Autriche…)
Saint-Georges terrassant le Dragon
De la Légende dorée ou du cycle de Charlemagne
Saint Christophe (Belgique, Provence …)
Le Cheval Bayard (Belgique)
Autres
Géants de confrérie : L’Aigle de Saint Jean, le Cygne des Boulangers, le Triton des Poissonniers…
Dragons faisant partie de jeux : Jeu de Saint Georges (Mons), Drachenstich (Furth im Wald), Graoully (Metz), Tarasque (Tarascon et Catalogne), Drac (Catalogne)…
Géants ou animaux emblématiques d’une cité (Poulain de Pézenas, Ane de Gignac, …)
Personnages de l’histoire ou de la vie locale, métiers traditionnels…
Figuration
Parmi les « figurants » traditionnels accompagnant les géants :
Les chevaux-jupons (Ath, Mons, Douai…)
Les hommes sauvages ou de feuilles (Ath, Mons…)
Les diables (Ath, Mons, Catalogne…)
La Roue de la Fortune » (Douai, Nivelles …)
Les Grosses Têtes (Catalogne, Portugal, Autriche)