1892 est l’année du centenaire du siège de Lille en 1792 par les troupes autrichiennes. Une année de commémoration qui verra son apothéose par un cortège historique, les Fastes de Lille, le 8 octobre 1892 mais sans la participation des deux postures lilloises. Deux événements dramatiques ont marqué ce début de l’année 1892 : la catastrophe minière d’Anderlues du 11 mars 1892 en Belgique et la famine de 1891-1892 en Russie. Afin de porter secours aux populations belge et russe, une Fête Russo-Belge est organisée avec un défilé de Géants comprenant Lydéric et Phinaert (Lille), Jeanne Maillotte (Lille), le Reuze (Dunkerque), Gambrinus (Namur), Janneke et Mieke (Bruxelles), Grand-Papa et Grande-Mamma (Bruxelles), Goliath (Ypres), l’Argayon, l’Argayonne et Lolo (Nivelles), Gayant, Jacquot, Fillon, Binbin et la Roue de la Fortune (Douai) et même le Doudou (le dragon) (Mons). Dans les fonds documentaires de la Bibliothèque Municipale de Lille, on peut découvrir des photos des postures ci-dessus relevées datées par une mention manuscrite de 1891. A n’en pas douter, aucun événement ne s’étant déroulé avec ces même Géants au décours de cette année 1891, il y a tout lieu de penser que ces documents sont bien à attribuer à cette festivité philanthropique. Voir aussi Lyderic et Phinaert, Légende(s) et Géants(s) – Cahier n°3 – Une marche de géants |
Les Fêtes de Lille
Cavalcade de Bienfaisance
La Lanterne- 27 avril 1892 (© BNF Gallica)
L’œuvre russo-belge. – Affluence d’étrangers. – Le cortège. – Les géants de Lille. – Les chars. – Le Doudou.
Lille, 25 avril. – Les fêtes russo-belges ont commencé samedi soir par une très belle retraite aux flambeaux à laquelle les sapeurs-pompiers de Lille, le 19ème chasseurs à cheval et le 16ème bataillon de chasseurs à pied ont prêté leur concours. Des hommes en costume de corvée précèdent les musiques en portant des ballons chinois et des lanternes vénitiennes.
Devant le Grand-Hôtel, où des officiers de chasseurs à pied donnent un banquet, la retraite s’arrête pour donner une sérénade. Les chasseurs à pied jouent la Marche de Sidi-Brahim, les autres musiques jouent la Marseillaise et l’hymne russe. La foule, très enthousiasmée, crie sur tout le parcours: « Vive l’armée ! vive la France ! vive la Russie ! »
Des camelots parcourent les groupes en offrant des confetti, mais le public lillois qui n’est pas encore tout à fait dans le train, semble se méfier de cette innovation. Les vendeurs ne font pas leurs frais, ce n’est que le lendemain que cet inoffensif projectile a conquis Lille.
Dimanche matin, après une toute petite ondée, la journée s’annonce par un temps superbe. Les rues de Lille sont fort pittoresques avec leurs grands mâts plantés de place en place et les drapeaux français, russes et belges dont sont pavoisées presque toutes les fenêtres. L’affluence, des voyageurs est énorme. La place de la gare est noire de monde. On évalue le nombre d’étrangers arrivés à Lille à 50,000.
A deux heures moins un quart, le canon annonçant le départ de la cavalcade, retentit.
La cavalcade
Le cortège est précédé par des gendarmes à cheval et par un peloton de chasseurs à cheval qui ont grand peine à se frayer un passage à travers l’immense foule.
En tête du cortège marche la musique du 19ème chasseurs à cheval et l’Union française des trompettes. La monomanie des sociétés de trompettes est encore plus développée en province qu’à Paris. Les jeunes gens composant ces sociétés ont à un tel degré l’amour de l’uniforme, qu’à force de varier, ils en arrivent à adopter, des costumes absolument incompréhensibles. Ainsi nous avons remarqué une société qui a adopté l’uniforme des petits télégraphistes et une autre, l’uniforme exact des soldats du train : les brandebourgs seuls au lieu d’être noirs sont rouges.
La Société de musique des mineurs de Lens fait exception; ils sont vêtus de gris, peu de galons et peu de passementeries et sont coiffés du chapeau en cuir bouilli des mineurs, surmonté d’un plumet tricolore, ce qui leur donne un vague aspect de bersaglieris fantaisistes.
Après l’Union française de trompettes viennent les 2 géants lillois Lydéric et Phinaert, Les géants sont de grandes charpentes en osier ou en bois recouvertes de draperies et surmontées de têtes ressemblant en plus grand aux têtes de jeux de massacre que l’on voit habituellement.
Ces géants sont portés par des hommes cachés par le bas du vêtement et qui regardent par une petite ouverture taillée dans l’étoffe.
Curieuse légende
Voici la légende des 2 géants de Lille :
Le colosse du Ryssel, Phinaert, seigneur pillard et féroce, habitait l’endroit où Lille est bâtie. Aucune caravane ne passait sans payer rançon au bandit. Les déprédations de Phinaert avaient fait désigner les bois qui entouraient Lille du surnom de « Bois Sans-Merci ». Or, en 608, le prince Salvard, de Dijon, dépossédé de ses États, s’en allait en compagnie de sa femme. qui était enceinte, et d’une faible escorte, chercher abri auprès de son frère, le roi d’Essex, habitant outre-mer.
Phinaert, ayant eu vent du passage de la petite troupe, se posta sur son-chemin et l’anéantit. Seule, la princesse Emergarde, femme du prince, parvint à fuir et se réfugia dans une hutte de charbonnier, où elle donna le jour à un enfant qu’un ermite emporta an roi d’Essex. A l’âge de vingt ans, le rejeton qu’on avait nommé Lydéric, apprit de l’ermite le massacre de ses parents; il vint trouver le roi Dagobert et lui réclama justice.
Il fut décidé que le jeune prince se mesurerait avec Phinaert. Le combat eut lieu et le colosse tomba le crâne ouvertsous les coups de Lydéric, vengeur de sa famille. Selon l’usage du temps, Lydéric fut nommé maître des domaines appartenant au vaincu, et bientôt vinrent se grouper autour de lui les gens du pays, heureux de se sentir protégés par un guerrier brave et généreux. Lydéric se fit bâtir un château qui fut, avec les habitations qui ne tardèrent pas à l’entourer, le berceau de la ville de Lille.
Les chars
Ces géants sont suivis par le char de l’artillerie. Très remarqué et très applaudi ce char est organisé par les canonniers sédentaires aidés par le bataillon de l’artillerie de forteresse, il porte une réduction de la colonne obsidionale de 1792, des attributs guerriers et des mortiers lançant des bombes.
Citons parmi les chars qui suivent le char de Gambrinus, énorme foudre sur lequel est assis un Gambrinus gigantesque, le char du Sport nautique de Lille portant un voilier gréé et pavoisé et un équipage de mousses.
Le char des Beaux-Arts porte les muses de la peinture, de la sculpture, de l’architecture, le char de l’Industrie textile obtient un grand succès, on y voit figurer deux superbes panneaux représentant l’un le portrait du tsar, l’autre un traîneau attaqué par des loups.
Le char de la Ménagerie, formé d’une cage contenant des lions, des singes représentés par des hommes vêtus de peaux de bêtes.
Le cuirassé Cronstadt, le char des mineurs de Lens, une berline avec ustensiles, outils et blocs de charbon ; le char est entouré de mineurs en costumes de travail.
Parmi les géants dont chaque char était précédé, ·citons : Jeanneke et Mieke, de Bruxelles, joliment défraîchis, savez-vous ? Sais-tu ? Le tambour-major des Z’hurlus et Jeanne Maillotte, l’héroïne de Lille, suivie de ses archers. Grand-Papa, Grand-Maman et Mon Oncle, de Bruxelles, un peu plus propres que Jeanneke et Mieke.
Le géant Goliath entoure de ses enfants. l’homme de Fier, le monstre Doudou de Mons. Rien de plus comique que de voir cet énorme dragon pivoter tout d’un coup et rafler avec sa queue tous les chapeaux des spectateurs qui ne sont pas assez tête baissée.
La tarasque du Nord
Cette tarasque est accompagnée de Chins-Chins, cavaliers grotesques, qui ont mission d’ harceler Doudou et qui en profitent pour harceler les dames qui se trouvent sur leur passage. Les géants Reuse et Gayants semblent les favoris de Lille.
La marche du cortège est fermée par un piquet de chasseurs à cheval et de gendarmes.
Entre cinq et six heures nous avons pu voir l’aspect de la Grand’Place, grâce à l’obligeance et à l’amabilité de M. Dubar, directeur de l’Écho du Nord, qui nous avait réservé une bonne place au balcon des bureaux du journal, où les honneurs de la maison ont été faits par une très gracieuse et très jolie jeune fille.
Au moment où la cavalcade arrive sur la Grand’Place, les confettis commencent à donner. De toutes les fenêtres des trombes de papier s’abattent sur la foule et dans les bocks des imprudents consommateurs des terrasses de café.
Les groupes sont sillonnés par des soldats portant des troncs et quêtant pour les affamés de Russie et pour les victimes de la catastrophe d’Anderlues.
Un maréchal-des-logis du train des équipages quête à cheval. Très curieux à voir avec quelle aisance et même quelle grâce ce jeune sous-officier dirige son cheval au milieu des groupes pour recevoir l’argent jeté par les fenêtres, et ramassé par des gamins qui s’empressent de verser les sommes dans le képi du tringlot. Très jolie petite toile patriotique à peindre avec ces soldats français quêtant pour les pauvres de Russie.
En somme, excellente journée pour les bénéficiaires et pour les organisateurs. Les Lillois garderont longtemps le souvenir de cette belle fête.
La Cavalcade des Géants
Le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais- 25 avril 1892 (© BNF Gallica)
L’HISTORIQUE ET LES COSTUMES
Itinéraire de la cavalcade
Rue Saint-André ;
Rue Négrier ;
Rue Esquermoise ;
Rue Nationale ;
Place de Tourcoing ;
Boulevard Montebello ;
Rue d’Esquermes ;
Rue Gambetta ;
Place de la République ;
Boulevard de la Liberté ;
Rue Nationale ;
Rue de l’Hôpital-Militaire ;
Rue de Béthune ;
Rue du Sec-Arembault ;
Rue de Paris ;
Rue Boilly ;
Rue Saint-Sauveur ;
Rue Ban-de-Wedde ;
Contour Saint-Maurice ;
Rue du Priez ;
Place de la Gare (tour de la place) ;
Rue Faidherbe ;
Rue des Manneliers ;
Grande-Place (tour de la Grande-Place), arrêt, réception des géants par Lydéric et Phinaert, combat du Lumeçon (Doudou deMons) ;
Rue Grande-Chaussée ;
Place Saint-Martin ;
Rue de la Monnaie.
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Nous donnons ci-dessous, d’une façon approximative, d’après l’itinéraire fixé, les heures’. auxquelles passera le cortège sur les points principaux du parcours :
Rue Saint-André : 1 heure.
Rue Nationale : 1·h. 40.
Place de Tourcoing : 2 h. 25.
Rue Gambetta : 3 heures
Place de la République : 3 h. 30.
Rue de l’Hôpital-Militaire et rue de Béthune : 4 heures.
Rue Saint-Sauveur : 4 h. ½.
Place de la Gare : 5 h. 1/4.
Grande-Place : 5 h 1/2.
Rue de la Monnaie : 6 h. ½
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PREMIER GROUPE
Trompettes des Chevaliers-Gardes russes.
L’Union Française des Trompettes.
Lyderic et Phinaert. (Lille.)
DEUXIEME GROUPE
La Vaillante. (Société de gymnastique.)
Char de l’artillerie.
Fanfare des géants de Potteghem. (Groupe costumé.)
Char de Gambrinus. (Brasserie des carrières de marbre de Namur.
TROISIEME GROUPE
Musique municipale de Loos.
Jeanneke et Mieke. (Géants de Bruxelles)
Société de gymnastique de Mons-en-Barœul.
Char romain
QUATRIEME GROUPE
Le Tambour-Major des Z’Hurlus.(Lille.)
Ses quinze tambours. (Groupe costumé.)
Jeanne Maillotte. (Lille.)
Ses derniers archers.
Harmonie du Réveil musical de Lille.
Char du Sport-Nautique de Lille.
CINQUIEME GROUPE
L’Espérance. (Société de gymnastique.)
Char des Beaux-Arts.
Grand-Papa, Grand-Maman et Mon Oncle. (Géants de Bruxelles).
SIXlEME GROUPE
Peloton de chasseurs à pied.
Clairons et fanfare des chasseurs à pied.
Goliath. (Géant d’Ypres.)
Ses enfants.
Char de la Société régionale d’horticulture du Nord de la France. (Cette Société fera vendre des bouquets au profit de l’œuvre.)
SEPTIEME GROUPE
La Nubienne : Orphéon de Byr-el-Nabey (Egypte).
L’Homme de Fier de Soignies.
Musique de l’Union des Intimes.
Char de l’Industrie textile. (Maison Casse.)
HUITIEME GROUPE
La Concorde. (Société de gymnastique.)
Argayon, Mme Argayonne et leur fils Lolo. (Géants de Nivelles.)
Char aumônière grotesque. (Bruxelles.)
NEUVIEME GROUPE
La fanfare des Enfants du Nord.
Le monstre « Doudou », Saint George, les Chins-Chins, les Diables et les Sauvages. (Cavalcade de Mons.)
Char des Sauveteurs du Nord.
DIXIEME GROUPE
La ‘I’ourquennoise. (Société de gymnastique.)
Cavaliers et trompettes du 1er escadron du train.
Le Grand Turc. (Géant de Bruxelles.)
Les Sauvages-Peaux-Rouges. (Dunkerque.)
Char de la Ménagerie orientale du célèbre dompteur russe Petrawskowi.
Char de Brûle-Maison.
ONZIEME GROUPE
Trompettes de Marquette.
La Roue de Fortune. (Douai.)
Reuse Papa (Géant de Dunkerque.)
Le cuirassé Cronstadt. (Dauphins lillois).
DOUZIEME GROUPE
Les Enfant de Tourcoing. (Société de gymnastique)
Char des Mineurs.
Mineurs en tenue de travail. (Mines de Lens.)
TREIZIEME GROUPE
Détachement et musique du 43ème de ligne.
Char de la Métallurgie. (Compagnie de Fives.)
Quêteurs de l’Usine de Fives en tenue de travail.
QUATORZIEME GROUPE
Fanfare des Amis-Réunis de Wazemmes.
Char aumônière grotesque. (Bruxelles.)
L’avenir du Vieux-Lille. (Société de gymnastique.)
Char de la Société horticole de secours mutuels du Nord.
QUINZIEME GROUPE
Détachement et fanfare du 19ème chasseur à cheval.
Le Sot des Canonniers. (Douai.)
Gayant, Jacquot, Melle Fillion et Binbin. (Géants de Douai.)
SEIZIEME GROUPE
Char de la Charité. (Société philanthropique des Belges.)
L’Alsace-Lorraine. (Société de gymnastique.)
DIX-SEPTIEME GROUPE
Trompettes lilloises.
Char aumônière attelé à la Daumont. (Maison Courtot.)
Peloton de cavalerie.
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A l’arrivée du cortège place de Tourcoing un Lâcher de Pigeons aura lieu.
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A une heure, place Sébastopol,
départ du ballon « LA REVANCHE ».
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Le soir, à huit heures et demie,
GRAND CONCERT AU PALAIS RAMEAU
Avec le concours de la Musique des Mines de Lens, les Canonniers sédentaires, L’Union orphéonique de Lille et le Club des Mandolinistes.
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BATAILLE DE CONFETTI
Prix unique: 1 franc.
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La cavalcade du 24, avril comptera parmi les plus belles cérémonies que l’on ait vues à Lille.
Cette fête, qui s’annonçait d’abord comme devant être assez, modeste et qui fut mise en train sans fracas, a pris peu à peu, grâce au concours de toutes les bonnes volontés, une importance considérable. Ce n’est plus un simple divertissement offert, au nom de la .charité, à la seule population de Lille et des environs. L’accueil chaleureux que l’idée a rencontré dans tous les milieux la .transformée aujourd’hui en une véritable fête internationale, qu’à la faveur des trains de plaisir on est venu voir de tous les points de la France et de la Belgique.
Toute la vie de la région du Nord s’est portée à Lille. Dès lors, il allait de soi que la Fête des Géants de Flandre devait tenir la place d’honneur dans le présent numéro, puisque cette fête est réellement, pour notre région, le grand et pour ainsi dire le seul événement du jour.
DES GÉANTS
LES GEANTS DE LILLE
Lydéric et Phinaert
En l’an 608 de l’ère chrétienne s’élevait sur la Deûle, en un lieu sauvage appelé le Ryssel, le château du leude Phinaert : le burg comme on disait alors; le bue, comme dirent plus tard les moines latins, dont la langue était rebelle aux consonances saxonnes.
Un jour, le prince de Dijon, Salvard, dépossédé de ses Etats, passa par-là, s’en allant chercher asile pour lui, pour son épouse, ses trésors et sa suite, auprès de son frère Eric, roi d’Essex, de l’autre côté de la mer.
La caravane fut anéantie par Phinaert, mais la princesse Emergarde, femme du prince de Dijon, réussit à fuir avec sa suivante et à échapper au massacre. Elle portait dans son sein l’espoir de la race et approchait de l’époque de sa délivrance.
Les deux femmes étaient parties, affolées de désespoir, courant au hasard à travers une interminable forêt.
Elles s’arrêtèrent dans la cabane d’un solitaire et là la princesse mit au monde un fils.
Cependant Phinaert s’était lancé à la poursuite d’Emergarde, et accompagné d’une nombreuse troupe il ne tarda pas à découvrir le lieu de sa retraite.
Quant à l’enfant, le solitaire avait eu le temps de l’emporter. Le jour même de sa naissance, dès qu’elle eut recouvré ses sens, la princesse avait dit à son sauveur :
– Saint homme, prends cet enfant et fuis avec lui. Porte le au roi d’Essex, à qui tu annonceras : « Voilà le fils de votre frère Salvard, duc de Dijon, traîtreusement occis en la forêt charbonnière de la Gaule Belgique par un félon, qui retient captive la veuve de sa victime. »
Cette recommandation fut exécutée de tout point.
A quelque vingt années de là, le fils de Salvard et d’Emergarde, à qui on avait donné le nom de Lydéric, était devenu un beau et vaillant jouvenceau, un admirable athlète.
Malheureusement son oncle mourut sans lui révéler le secret de son origine.
C’est le vieux moine qui l’avait sauvé des mains de Phinaert qui lui raconta le massacre de la forât charbonnière, l’évasion de la princesse, la. naissance du jeune prince, le rapt qui l’avait suivie et le martyre de la victime, obligée de subir les lois outrageantes de son tyran.
Lydéric s’en vint trouver le roi Dagobert et lui réclama justice. Il fut décidé que le jeune prince se mesurerait avec Phinaert en un combat sans trêve ni merci.
Le colosse du Ryssel fut vaincu et, le crâne ouvert, mourut sous les coups de Lydéric. Peu d’années après ces événements, l’aspect des choses avait bien changé dans les Flandres. La vaillance, la droiture, l’habilité du jeune prince avaient conquis la faveur de Dagobert et celle du grand Éloi.
Conformément à l’impitoyable loi des combats judiciaires, les domaines du vaincu avaient passé aux mains du vainqueur. Le burg de Ryssel, sous son nouveau seigneur, avait quitté sa physionomie féroce en même temps ·que les fourrés qui l’environnaient avaient perdu leur sinistre surnom de « bois sans merci ».
Un castel de pierre avait remplacé les primitives constructions de bois qui abritaient l’ancien leude et ses compagnons.
Sous la protection de ces remparts que l’on savait habités par un guerrier brave et généreux, les gens du pays étaient accourus élever des habitations. Et sur les bords, de la rivière s’alignaient déjà deux monastères; l’un établi par le vieux moine auprès d’une saulaie et qu’on appelait le Moutier del Saulx, l’autre fondé par la princesse Emergarde.
Dans la suite, le nombre des habitations et des monuments s’est accru et il s’est là fondé une grande ville que sa situation a fait nommer Insulae, autrement dit les Iles, d’où a été tiré Lille.
Le souvenir de ces faits s’est transmis d’âge en âge et voilà pourquoi, dans les grandes solennités publiques, nous avons coutume de promener cérémonieusement les figures colossales des deux champions rappelant fidèlement le caractère de chacun d’eux.
Phinaert a l’air méchant et, de plus, il est laid comme les sept péchés capitaux.
Lydéric a la majesté sereine qui sied au beau, et brave guerrier.
Phinaert porte une cotte de mailles en argent et une jupe grenat ; l’ensemble de son costume rappelle celui du chevalier du Cygne dans Lohengrin. Il tient dans la main gauche un grand écu recouvert de peaux de bête et garni d’une bordure d’argent à clous d’or ; dans la main droite, une hache à deux tranchants ; un immense sabre pend à son côté ; il porte une barbe noire touffue, taillée à la russe, ce qui est tout à fait à la mode ; pour coiffure, le casque gaulois à ailerons.
Lydéric est en pourpoint marron drapé de vert, la tête chaperonnée d’une façon de béret, faucon au poing.
Jeanne-Maillotte et le tambour-major des Hurlus
Nous sommes au XVIème siècle.
Les pays de Hainaut et de Flandre étaient à feu et à sang depuis des années et des années. De Lille jusqu’à Gand, il n’était personne qui se crût assuré du lendemain.
Les Flandrins du sire de Montigny, les Hollandais du prince d’Orange, les philippards d’Espagne, les Français du duc d’Anjou passaient sans débrider sur le ventre du pauvre monde, tantôt battant, tantôt battus, toujours pillant.
Les huguenots du sire de la Noue se distinguaient entre tous ces mécréants par un hurlement particulier qu’ils lançaient au milieu de la mêlée. D’où leur sobriquet de Hurlus.
Par une chaude journée de juillet, en 1542, une bande de ces derniers, venant de Tournai, débusquait par le chemin de ronde du faubourg des Reignaux , à Lille, tirant l’arquebuse de tous côtés.
Maitre Maillot, aubergiste, dont l’établissement à l’enseigne Au Jardin de l’Arc était situé en face de la route de Menin, se trouva le premier menacé.
Un grand diable qui devançait ses camarades, celui qu’on a désigné ironiquement sous le nom de tambour-major des Hurlus, lui lança sa pertuisane par les côtes avant qu’il eut mis entre l’ennemi et lui les six pouces de bois de sa bonne porte.
A ce moment, de grands cris retentirent dans le courtil du côté du jardin des archers. Une grêle de flèches traversa le porche en sifflant aux oreilles de l’aubergiste, culbutant les envahisseurs. Puis un groupe confus déboucha de l’intérieur, entrainé par une femme qui brandissait une hallebarde de sergent et criait d’une voix furieuse :
– A moi les archers ! En avant, les Lillois ! Vive la messe ! A la rescousse ! Sus à ces truands ?
C’était la belle·Maillotte, la fille du père Maillot, l’œil en feu, les cheveux au vent.
Cette attaque imprévue déconcerta les Hurlus : les plus proches périrent ou s’en sauvèrent. Mais les chefs s’aperçurent de loin du petit nombre des archers et poussèrent droit vers la poterne St-Jacques.
C’est alors que se passa un événement qui montre ce que peut le courage d‘une femme.
Comme les archers voulaient chercher refuge dans ]a ville, la Maillotte se campa au milieu de la roule, sa hallebarde en mains, en criant :
-Allez-y, vaillants hommes ! Les femmes se chargeront aujourd’hui de défendre le faubourg.
Ils eurent honte et répondirent :
– Nous mourrons avec vous, Maillotte !
– N’ayez crainte, répliqua-t-elle, nous tiendrons toujours assez longtemps pour permettre aux gens de Lille, qu’on est allé quérir, d’arriver.
Les confrères archers continuèrent donc à tirer ferme, avec la belle Jeanne, debout au milieu d’eux, mais ils n’auraient pas tenu longtemps si les femmes du faubourg, exaltées par l’exemple de la Maillotte, n’avaient à leur tour pris part à la bataille en jetant par les fenêtres, de grands paniers de cendres et des marmites d’eau bouillante.
Enfin, un chant formidable éclata tout à coup de l’autre côté du rempart :
Vivent les Saint-Sauveur,
Ma mère ! Vivent les Saint-Sauveur !
A la bataille Ils ont du cœur,
Vivent les Saint-Sauveur.
La situation changea alors du tout au tout, et la chasse aux Hurlus commença.
S’il s’en sauva, ce ne fut guère.
Il faut croire, en tout cas, qu’ils firent piteuse mine, car toutes les générations qui se sont succédé depuis ont pris soin d’humilier leur mémoire dans le cortège fameux des Fastes de Lille.
Qu’advint-il de la Maillotte ?
Elle resta Maillotte comme devant. On voulut lui faire des honneurs extraordinaires, mais elle n’accepta rien.
Le rewart vint lui rendre hommage à la tête des échevins, et le seigneur de Beaurepaire, le grand connétable des Serments, voulut créer tout exprès pour elle une charge de Reine d’Armes, comme il y en avait déjà une de Roy d’Armes.
Elle refusa encore et’ on finit par la laisser tranquille.
Longtemps après, lorsque Jeanne Maillotte rendit son âme à Dieu, on lui fit de magnifiques funérailles.
Le peuple de Lille n’a jamais oublié son héroïne et voilà pourquoi nous la voyons figurer dans le cortège avec le tambour-major des Hurlus.
Le tambour-major des Hurlus est figuré par un homme en chair et en os, la tête cachée sous un masque gigantesque à l’aspect jovial ; pourpoint jaune et or, pantalon rouge, bottes noires.
Jeanne Maillotte a l’aspect d’une virago farouche, d’une guerrière pas commode, la lance en arrêt. Ses cheveux châtains sont épars sur ses épaules. Le costume évoque les anciennes modes des Pays-Bas ; corsage rouge, ouvert, avec guimpe, tablier et bonnet blancs, jupon rayé jaune et noir.
JEAN DE LA DEULE
LES GEANTS DOUAISIENS
Gayant
Au temps jadis, le castel fortifié de Douai était fameux dans les pays d’Austrasie et de Neustrie pour sa maîtresse tour, toujours citée comme la plus haute connue.
Malgré cela, Douai se vit tout à coup menacée par une invasion de hordes barbares, et les Douaisiens se considèrent comme perdus. Résolus à faire pénitence, ils abandonnèrent volontiers leurs biens temporels pour le salut de leurs âmes. Au dires de certains chroniqueurs dignes de foi, il se trouva cependant dans le bourg un homme qui ne prétendit pas pas lâcher un rouge liard. C’était un armurier extraordinaire, connu -jusqu’an pays des Sarrasins sous le nom de .Gayant, ce qui en ce temps-là voulait dire géant.
Le jour où le prieur de l’abbaye de Broylum, dominus Hildebert, offrit à Gayant une place convenable au Paradis, moyennant les tonneaux d’or et d’argent qu’il conservait derrière sa forge, l’armurier se mit à rire et, pour toute réponse, montra au moine une épée longue de huit coudées en disant : « Voilà la clef de mon caveau. »
Au même instant, un fracas de tonnerre éclata sous la voûte de la maison, et le religieux, assourdi, aperçut dans l’embrasure de la porte toute la famille Gayant qui s’esclaffait de rire. C’était dame Marie Cagenon, épouse de l’armurier, et ses trois rejetons : Mlle Fillion, une belle blonde qui n’attendait pour se marier qu’un fiancé de sa taille ; Jacquot, qui promettait d’être plus grand que son père, et Binbin, qu’on appelait vulgairement Ch’tiot Tourni, parce qu’il louchait.
Cependant, les barbares avançaient et bientôt ils forcèrent la porte de la ville et l’envahirent.
C’est à ce moment qu’on vit un spectacle étonnant.
Les bourgeois et les femmes qui détalaient l’arrêtèrent tout à coup comme s’ils avaient aperçu, venant à leur secours, Samson le chevelu ; trois géants de fer sortirent de la forge Gayant.
Le maître-armurier s’avançait le premier portant sur l’épaule sa longue épée ; Jacquot et Binbin le suivaient.
Quand le flot hurlant des ennemis déborda sur le carrefour, Gayant s’arc-bouta sur ses jambes énormes et donna le branle à son arme. Le nombre de têtes fauchées fui considérable. Ce qui restait des assaillants s’enfuit à toutes jambes.
Rentré chez lui, Gayant avait tellement soif qu’il but d’un seul trait une cuve d’eau fraîche. Dans la nuit, il fut pris d’une fièvre intense et tomba malade.
A celte nouvelle, l’ennemi tenta un retour offensif ; mais Gayant , qui entrait en convalescence, entendit de son lit les cris des bourgeois assaillis à l’improviste. Il se leva subtilement, revêtit son armure, appela ses fils, et sortit encore une fois avec sa longue épée, en criant aux survenants : « Bonhomme vit encore ! »
Les bandits furent repoussés de plus belle et la victoire resta encore au valeureux guerrier.
En rentrant du combat, Gayant avait plus chaud et plus soif que jamais : il empoigna de nouveau une cuve d’eau fraiche et comme la première fois la vida d’un trait.
Le même soir, sa fièvre le reprit, et le surlendemain il était mort.
Grand fût le-désespoir des Douaisien, qui, pour rendre au héros un hommage digne de lui, le revêtirent de son armure, dont on souda tous les joints au plomb fondu, de telle sorte que Gayant eut ses armes pour cercueil.
Dans la suite Douai, n’a jamais oublié que ses aïeux durent leur salut aux exploits du terrible forgeron.
Aussi, afin que la grande épée de Gayant ne risquât pas de tomber dans les mains de quelque collectionneur, – comme celle de Christophe Colomb, qu’on va revoir à l’Exposition de Chicago – des bourgeois en utilisèrent le métal pour forger la grande girouette de leur halle échevinale.
Depuis, chaque année, à la fête de Douai, aux premiers jours de juillet, on promène à travers la ville, en rangs d’oignon, les colossales effigies de la famille Gayant, monsieur, madame, et bébé – pardon, Binbin – en passant par M. Jacquot et Mme Fillion, escortés par le fou des canonniers, la Roue de Fortune fermant la marche.
Gayant est un magnifique géant de 7 m. 50 de haut. à la figure martiale, tenant de la main droite une lance de 10 mètres, avec poignée, pareille aux lances usitées dans les tournois, au haut de laquelle frissonne une « flamme » aux armes de la ville de Douai. Au bras gauche il porte un large bouclier rond et une épée à fourreau d’or au flanc gauche. Il a une cotte de maille ornée d’aiguillettes d’or, un pourpoint de velours noir et un vaste jupon marron; sur son dos est jeté un manteau Je pourpre. Il est coiffé d’un casque surmonté d’un panache blanc qui, retombant en façon de jet d’eau, forme un cercle qui n’a pas moins de 1 m. 50 de diamètre.
Jacquot, son fils, à 3 m. 50 : c’est un beau jeune homme brun aux moustaches naissantes et portant la mouche. Son costume se compose : d’un plastron cramoisi sur· lequel est tracé le portrait de s0n père, d’une ceinture de pourpre brodée d’or ; il porte une épée, une toque, de même couleur que son plastron, et surmontée d’un grand plumet rouge.
Mlle Fillon est une blonde à tête de Rubens, c’est-à-dire pleine de bonne humeur et de santé; aux oreilles, des boucles d’oreilles d’or ; elle mesure trois mètres ; ajoutons que Mlle Fillon est décolletée ; sa roue bleue. garnie -de passemente ries en velours brodées de galons d’argent, et ornée aux manches de superbes ruches de dentelles sorties de chez la meilleure faiseuse. Ses cheveux. tombent en longues boucles sur ses épaules, s’échappant d’une toque de velours noir, semée de diamants, et surmontée d’une plume blanche ; elle porte à la main un chapelet.
Binbin, ch’tiot tourni, est un gros poupard rose, joufflu et frisé, si rose, si joufflu, si frisé qu’il fait l’envie de toutes les mamans et la joie de tous les moutards. Il a, malgré son âge tendre, plus de deux mètres de taille ; on n’est pas sacré bon Douaisien si l’on n’a pas embrassé Binbin sur les deux joues quand on avait trois ou quatre ans, élevé jusqu’à lui à bout de bras par son papa ou sa nourrice. Il est coiffé d’un bourrelet bleu et blanc, et vêtu d’un grand sarrau blanc retenu à la taille par une large ceinture bleue fermant derrière son dos un gigantesque nœud. Il tient d’une main un hochet, et de l’autre un moulin à vent, comme ceux qu’on donne aux tous petits enfants.
La roue de Fortune est un, fort beau char à l’antique, sur lequel une belle dame fait de l’équilibre dans L’attitude classique qu’on prête à la Fortune, tenant d’une main une corne d’abondance levée et, de l’antre main, en distribuant le contenu à pleines poignées.
Elle est drapée dans une étoffe blanche qui dessine ses charmes et serrée à la taille par une ceinture d’or ; elle a les jambes nues ; les chevilles serrées dans des lanières qui retiennent des socques à la grecque ; contre elle, à gauche, est la fameuse roue blanche et bleue et garnie d’or.
Au-dessous d’elle, six personnages habillés de costumes anciens tournent en rond, mus par· un mécanisme dépendant du mouvement des roues, qui les fait repasser à tour de rôle sous la corne d’abondance.
Ces personnages sont : un homme d’armes, un paysan qui offre une poule à un procureur- voyez l’irrévérence -, puis un Espagnol !, souvenir de l’occupation des Flandres ; – une courtisane, Mlle Bargeot qui envoie force œillade au sixième personnage… un tenancier naturellement…
Le Fou des Canonniers – ch’fou des carchers –monte un cheval blanc à fausses jambes, .porte la marotte et le bonnet à grelots traditionnel.
Tel est le composé du cortège douaisien. Tout ce monde marchera escorté de trois délégués douaisiens, et accompagné de la musique des Pompiers de Lille, qui jouera le fameux pas redoublé : Gayant, en avant !
JEAN DE BOLOGNE
LE GEANT DE DUNKERQUE
Reuse
De Dunkerque, le dernier survivant d’une famille de hardis marins. Originaires des sauvages régions de la Scandinavie, dont les chefs se faisaient appeler orgueilleusement les « Rois de la Mer ».
Les Reuse, dit la légende, se livrèrent pendant des siècles à d’incessantes incursions sur nos côtes. Chaque semaine, quelques-unes de leurs barques partaient équipées pour la course et ramenaient une ample provision de captives plaisantes à voir, de petits enfants bons à manger, de boissons fermentées, bref, de butins de toute sorte.
Le chef qui dirigeait ces expéditions était un guerrier redouté, d’une taille colossale et d’une avidité impitoyable, que ses compagnons appelaient Allowyn, ce qui voulait dire « prenant tout ».
Or, Allowyn, en débarquant un matin dans les dunes de Dunkerque, s’embarrassa la jambe dans· les cordages de son navire et tomba de son bord sur le rivage de si malencontreuse façon que son glaive lui entra par la pointe dans les côtes.
Les pêcheurs crurent l’heure de la vengeance arrivée et l’assaillirent à coups de crocs de fer, de haches, de massues et de pierres. Déjà, ils voyaient l’heure venue de régler leurs vieux comptes avec leur traditionnel ennemi, resté inanimé sut· la plage.
Mais saint Eloi, qui d’aventure était à Dunkerque, arrêta le bras des pêcheurs prêts à frapper, et leur ordonna de porter le blessé à sa demeure.
Ce qui se passa dans la maison, close pendant quinze jours, nul ne le sait. Toujours est-il qu’un grand miracle s’y accomplit. Le seizième jour, L’évêque sortit accompagné de son protégé. qui marchait la tête inclinée, dépouillé de ses armes, et le torse nu.
Il se rendit avec lui à l’église des Dunes. le fit entrer dans l’eau lustrale de la piscine, le baptisa, et pour achever, le maria à une jolie fille du pays.
Etant retourné à la maison d’Eloi avec sa femme, Allowyn en sortit de nouveau, armé de pied en cap.
S’adressant à la foule : « mes frères, dit-il de sa voix terrible, que tous ceux qui savent bâtir s’en aillent chercher leur truelle ; que ceux qui savent tailler le bois s’en aillent quérir leur cognée ; que les forgerons prennent leur marteau, les guerriers leurs armes, et que tous reviennent me joindre tout à l’heure ! Telle est la volonté du vrai Dieu qui m’a été transmise par l’évêque Eloi. »
Chacun se hâta d’obéir et quand tous ces hommes furent revenus avec ce qu’on leur avait dit, Allowyn se mit à tracer avec son glaive, sur le sable, un grand carré de cinq cents pas, l’emplacement des remparts et des tours, et les gens de métier commencèrent alors à construire un , immense castel.
Quand les Rois de la Mer virent que le retour de leur compagnon faisait attendre, ils partirent à sa recherche. Arrivés devant le nouveau castel, dont l’érection inattendue était bien faite pour les étonner, ils en virent sortir un homme, reconnaissable à sa stature, qui les harangua dans leur langue.et, l’ayant écouté avec respect, ils disparurent à tout jamais.
Reuse Allowyn était devenu le protecteur de sa patrie d’adoption.
Plus tard, lorsque survinrent de nouvelles invasions d’hommes du Nord, il réussit, soit par son éloquence persuasive, soit par la force de son bras et de son expérience de la guerre, à écarter de Dunkerque les fléaux dont fut désolé le reste du pays. C’est ce qui explique comment la cité nouvelle, fondée un peu à la façon de Carthage, put se développer librement jusqu’à devenir la grande et riche ville que nous connaissons.
Suivant l’assurance que lui avait donnée Eloi, en lui faisant ses adieux, Reuse vécut dans son château des dunes jusqu’à l’âge de cent ans, un mois, une semaine, un jour et une heure exactement.
En ce temps-là, il n’y avait dans les Flandres ni sculpteurs ni peintres, et les gens de Dunkerque, plongés dans la douleur, trouvèrent cependant moyen de perpétuer dans les siècles, la mémoire de leur guerrier invincible et bienfaisant. Avec des roseaux, des planches, des étoffes et des lames de fer, ils construisirent. un géant à la ressemblance de l’illustre-défunt.
Ensuite, ils ajoutèrent à leur église une haute tour pour loger le colosse et, chaque année, au jour anniversaire de la mort de Reuse, une procession vient chercher son effigie pour la promener solennellement à travers la ville, au son à des cloches et du carillon.
Reuse est un gaillard de onze mètres de haut, au masque fier et terrible, au thorax puissant, revêtu d’une cuirasse en argent ; ses bras habillés d’une étoffe bleue, pourraient chacun contenir aisément un vrai géant en chair et en os :
Reuse est assis sur un immense trône cramoisi et brodé d’or.
JEAN BART.
LES GEANTS DE BELGIQUE
Goliath d’Ypres
Le géant d’Ypres représente un grand seigneur dont le nom n’est pas venu jusqu’à nous. On le considère comme le plus ancien bourgeois de la ville, titre qu’à Bruxelles on donne à Manneken Pis.
Ce n’est d’ailleurs pas un inconnu pour nous qui l’avons admiré en 1890, à. h grande fête de bienfaisance organisée au profit des victimes de Saint-Étienne et de la Martinique.
Les chroniqueurs rapportent qu’il y a deux cents ans il était suivi, dans le cortège d’un jeune géant, disparu depuis longtemps déjà et qu’on appelait son fils. O ne lui a cependant jamais connu de femme.
Sa beauté, sa grande stature, ont été maintes fois chantés par des poètes yprois.
Vous voyez le géant plein de gravité qu’Ypres a fourni. Il est grand par sa masse ; il n’est pas moindre par l’art.
Comme la plupart de ses pairs, à partir de la Révolution française, le géant .d’Ypres, a été délaissé dans un grenier et on ajoute que sa tête, privée du turban qui l’environnait servit en 1848 d’épouvantail aux moineaux. Un vieillard qui la vit suspendue à un cerisier ne put retenir ses larmes à l’idée d’une pareille profanation.
Ce qui prouve combien les habitants d’Ypres ont toujours aimé leur géant, c’est qu’en 1841, les archers de Guillaume Tell en firent construire un qu’ils promenèrent dans la ville.
Le Goliath d’Ypres est ordinairement accompagné d’une musique qui exécute le Reuselied, c’est-à-dire le chant du Reuse. Dix-sept enfants, diversement costumés, dansent autour de lui.
Le Goliath d’Ypres a neuf mètres de haut et pèse, s’il vous plait, 420 kilos : c’est que sa carcasse, au lieu d’être en osier, est en bois massif. Il est vêtu à l’orientale : turban à plumes, manteau court, cotte de mailles et robe longue flottante. D’une main, il s’appuie sur son yatagan, et de l’autre brandit un énorme cimeterre. Il est accompagné d’enfants et de « folies » en costume Moyen-Age et de toutes couleurs qui dansent autour de lui .sur le rythme du Reuselied et marche précédé de vingt pompiers.
Goliath d’ Ath
On croit généralement que c’est de 1450 à 1460, qu’il faut fixer l’introduction dans les cortèges de la ville d’Ath des géants Goliath, Tirant et Samson, de Bayard, des Quatre Fils Aymon.
Toutefois, l’origine de Goliath est vraisemblablement plus ancienne. Ce géant était le héros des arbalétriers. Or, d’après certains historiens, le Grand-Serment des arbalétriers fut créé en 1326 ; selon d’autres, il fut établi en 1382. La procession d’Ath était alors composée d’éléments uniquement religieux. C’est seulement vers 1430 qu’on y trouve quelque chose de plus mondain. La chambre de rhétorique, fondée à la fin du siècle précèdent, y fait sa première apparition. Et c’est un peu après, que Goliath a dû commencer à participer au cortège communal.
C’est un personnage biblique et non, comme quelques-uns l’ont prétendu, une réminiscence de la domination romaine. S’il en était autrement, comment expliquer l’adjonction du berger David qui, d’une pierre lancée de sa fronde, triomphe de son Gigantesque ennemi ?
‘I’iront, qui était le géant du Grand-Serment des archers, a disparu du programme des fêtes communales.
Samson existe toujours. Mais nous ne le verrons pas. Il en sera de mêmes de Bayart et des Quatre fils Aymon.
Goliath est le plus respecté des géants d’Ath.Il a fait de nombreux voyages semblables à celui qu’il vient accomplir. Déjà, en 1648, il participa au cortège organisé à Louvain après la conclusion de la paix. de Munster. C’est ainsi que de tout temps les géants légendaires sont allés d’une ville à l’autre visiter fraternellement leurs voisins, pour se réjouir avec eux de quelque heureux évènement politique 0u servir la charité, qui invente des fêtes peur consoler les victimes des grandes catastrophes et des grands deuils publics.
Le géant d’Ath a inspiré, à une date incertaine, la muse d’un compositeur demeuré inconnu. Toujours est-il qu’il est le héros d’un chant populaire athois intitulé Grand Goliath.
A la dernière heure. nous apprenons que le Goliath d’Ath, empêché, n’a pu venir à Lille. C’est dommage : abondance de Goliath ne pouvait nuire.
Le Dragon de Mons et les Chins-Chins
C’est « le Dragon » et non le « Doudou », comme on l’a dit jusqu’ici, qui nous est arrivé dimanche.
Le Doudou, c’est le chant qui accompagne la présentation du Dragon et des Chins-Chins le premier dimanche de la kermesse de Mons, kermesse qui coïncide -toujours avec la Trinité. Cet air est joué par une musique pendant le divertissement, qui a lieu sur la Grande-Place ; de midi à une heure.
Le Dragon, une espèce de crocodile, dont la longue queue décoiffe les curieux qui sur le parcours du cortège sont distraits et ne suivent pas de l’œil les allées et venues du monstre vert, lutte à Mons, dans une arène disposée en face de I ‘Hôtel-de-Ville, contre un cavalier de jaune habillé, armé d’une lance et qui représente saint Georges.
Il faut remonter jusqu’au XIVème siècle pour trouver l’origine de ce Dragon et de la procession de Mons. Après le clergé et le Magistrat de la ville venait une cavalcade religieuse figurant le triomphe de la foi chrétienne.
Un char de triomphe ouvrait la marche ; saint Georges à cheval, en costume de guerrier, la lance au poing, représentait le vainqueur de l’idolâtrie figurée sous l’emblème d’un dragon rampant et dompté ; le saint portait sur l’arçon de sa selle une petite figure de la Foi. Le peuple nomma ce cortège le Car d’or, saint Georges et sa poupée, et chanta sur l’air-des confréries militaires de Mons, ce noël qui bientôt retentira. à nos oreilles :
Nous irons vir l’car d’or à l’procession de Mon ;
Ce s’ra l’Poupée saint George qui no’suivra d’Ion ;
C’est l’Doudou, c’est l’Mama
C’est l’poupée, l’poupée, l’poupée,
C’est l’Doudou, c’est l’Mama
C’est l’poupée saint George qui va…
Saint Georges, naturellement finit par tuer le Dragon d’un coup de pistolet ! – après l’avoir harcelé de sa lance et avoir reçu, en échange, quelques coups de l’appendice caudal de l’adversaire. Jadis le bourgmestre de Mons, le Lumeçon terminé – car ce combat est appelé Lumeçon – remettait vingt francs à saint Georges et le félicitait gravement. Feu M. François Dolez, devenu le premier magistrat de la cité montoise, rompit avec cette tradition bébête. De vieux Montois lui en gardèrent rancune.
Les Chins Chins constituent l’escorte du Saint et du Dragon. Pendant le combat ils asticotent, eux aussi, le crocodile – qui s’efforce de « les ramasser » de temps à autre.
Ajoutons que pendant le Lumeçon, les pompiers de Mons arpentent la Grande-Place, par pelotons et armés de leurs fusils –qu’ils déchargent fréquemment. C’est ce qu’on appelle là-bas « les pétarades ».
Bref, le Lumeçon représente à Mons l’entrée de jeu, pour la kermesse. Et la circulation est impossible sur la Grande-Place, tant il y a foule, pendant toute la durée de ce spectacle inaugural.
L’homme de Fier de Soignies
Ce cavalier est un Sonégien, D’après une coutume très ancienne et qui paraît remonter au XIVème siècle, ce Sonégien figurait, dans la bonne ville de Soignies, à la procession de Saint-Vincent, revêtu d’une armure de fer, retraçant le costume dans lequel le comte Madelgaire avait pris part aux expéditions guerrières entreprises par le roi Dagobert.
L’édit de Joseph, qui réformait les processions, défendit cette tradition historique. Le corps municipal de Soignies s’émut de cette prohibition, dit M. Th. Lejeune, dans ses Monographie du Hainaut, et l’huissier de la ville fut chargé de s’enquérir auprès des chanoines de si l’antique costume serait admis au cortège de 1787. Craignant les dispositions légales du décret impérial, le chapitre décida que l’armure, de même que la bannière de Saint-Vincent, figurerait, à l’avenir dans la cavalcade qui suivant la procession sans en faire partie.
Gambrinus de Namur
Un géant tout moderne, celui-ci. Il n’a pas de légende, que l’on sache. C’est il y a environ cent ans qu’on l’a installé dans la cité namuroise, Gambrinus est d’importation française.
C’est dans le Cambrésis qu’il faut rechercher son origine. Les Namurois l’ont adopté il y a un siècle, quand ils ont commencé â faire de la bière.
Les géants de Nivelles
Ces géants sont au nombre de trois : l’Argayon·, l’ Argayonne et leur fils Lolo.
Argayon paraît avoir, comme Gayant à Douai, le sens de : géant.
A l’appui de cette assertion, on peut dire qu’à Nivelles, la rue du Géant est encore appelée dans le peuple rue de l’Argayon.
D’ordinaire, dans leurs promenades, ces géants sont accompagnés du cheval Godet. Ce cheval, dans les aventures de Jean de Nivelles, poème en 12 chants de l’abbé Renard, est un animal en chair et en os. En réalité, il se compose d’une carcasse-en bois avec crinière et queue postiches ; à sa tête sont attachés deux énormes grelots.
Que veut dire Godet ? On ne le sait pas au juste.
Depuis 1878, les géants et leur fidèle compagnon Godet sont, de temps à autre, autorisés à figurer dans des cortèges.
A leur rentrée, les Nivellois ont coutume de leur faire fête.
Les géants de Nivelles sont habillés à la mode du XVème et du XVIème siècle, Monsieur Argayon a cinq mètres de haut ; il est vêtu d’un jupon de velours noir, avec un manteau de même étoffe, garni de boulons et de galons d’or ; au cou, il porte une large cravate blanche ; à la ceinture est pendu son grand sabre.
Mme Argayonne, son épouse, est à peu près de même taille : son corsage est en velours rouge, ajusté, garni de satin blanc, manches bouffantes. Autour de son cou, très décolleté, un collier de perles scintille. Il n’a pas fallu moins de 80 mètres d’étoffe pour habiller M. Argayon et 60 pour· Madame.
Voici le jeune Lolo – deux mètres cinquante de haut – en robe Pompadour et tablier blanc, coiffé d’un bourrelet bleu ; un camarade tout trouvé pour Binbin.
Les géants bruxellois
D’après Desrousseaux, qui a fait de nombreuses recherches sur les géants de Bruxelles, on ne sait rien de positif ni sur leur origine ni sur leur signification.
On raconte cependant qu’au IXème siècle, il y avait sur l’emplacement de la rue Montagne-des-Géants, un château occupé par un homme dont le nom est resté inconnu et qui avait neuf pieds de haut. Ce géant avait une fille d’une rare beauté ; un jeune Bruxellois l’épousa et devint un des plus puissants seigneurs du Brabant.
Ce serait en souvenir de ce fait que plusieurs siècles plus tard, aurait été instituée une procession dans laquelle figurait le dit géant qu’on appela l’Ommeganch.
De nos jours on nomme Ommegang une procession qui avait lieu autrefois à Bruxelles et qui était à la fois religieuse, profane et quelque peu bouffonne. On y voyait figurer, à la suite du clergé et des religieux de tous ordres, les magistrats, les corps de métiers, avec leurs bannières et emblèmes, les serments, les chars allégoriques, divers animaux fantastiques, et enfin des géants.
Vers le XVème siècle, les personnages, les animaux et les autres parties du matériel de l’Ommegang étaient si nombreux qu’on dut louer, pour les remiser, un vaste local que l’on appela la Grange aux Géants.
En 1750, la famille des géants bruxellois se composait de huit personnages ; en 1785, on en comptait onze, savoir : Kleyn Janneken (petit Jean), Pierre, Michieltjen (petit Michel} ; Gudule et Jean de Nivelles ; le Sultan et la Sultane, Papa, Maman, Grand-Papa et Grand’Maman.
Après la Révolution française, la ville céda les personnages et une certaine partie du matériel de l’Ommegang à la confrérie de Saint-Laurent, et abandonna le reste à l’administration des théâtres royaux, qui l’utilisa dans un ballet intitulé : la Jolie fille de Gand.
Cependant en 1848, en 1855, et en 1890, on vit les géants reparaitre dans les cortèges : Janneke (Jean), Micke (Marie), Grand-Papa, Grand’Maman, mon Oncle et le Grand Turc, c’est-à-dire le Sultan.
C’est ceux-ci qui sont à Lille pour la fête. Leurs costumes ont été renouvelés; il y a deux ans, ils sont tout neufs.
L’Omegang nous a également envoyé deux bustes de géants à double face, servant d’aumônières, et qui ont été faits à Bruxelles pour le grand cortège de 1890 ; les bruxellois les ont surnommés Scheele-Wipet et Scheele-Wap (Scheele signifiant loucheur).
JEAN DE BRABANT
Les chars
Le Char du Sport nautique, un voilier de plaisance, gréé avec une misaine et un foc, ponté, orné de pavillons aux couleurs russes, belges, françaises. Quatre mousses forment l’équipage.
Les « Bleuets », en uniforme, quêteront autour du char, avec dix délégués du Sport nautique.
Le Char de l’Horticulture portant un trône sur lequel une Flore – vivante – est assise, abritée par deux magnifiques palmiers. A ses pieds, descendent en gradins des fleurs et des plantes. Des bouquets seront vendus au profit de l’œuvre.
Le Char· de l’ Artillerie supporte deux canons et un mortier Louis XIV, ainsi que la réduction de la colonne de la Grand’ Place ; faisceaux de fusils, sabres, revolvers, baïonnettes, le tout très ingénieusement disposé.
Le Char Romain, conduit par un personnage en costume de guerre.
Le Char de la Métallurgie, avec outils et machines, organisé par l’usine de Fives : à l’arrière est un appareil à distillerie en cuivre rouge surmonté des drapeaux aux couleurs amies, au milieu une machine à vapeur ; devant, un forgeron outillé et entouré d’ancres de marine, de poulies, d’engrenages, d’hélices, d’une machine électrique et de deux petits canons de sept.
Le Cuirasse Cronstadt, construit par les « Dauphins lillois », paraissant naviguer sans moteur apparent, les chevaux chargés de le traîner étant cachés dans les flancs du na vire.
Le char de Brûle-Maison, monté par Cottigny, le chansonnier populaire du XVIIIème siècle.
Enfin, le Char· de Mme Casse, long et haut de sept mètres ; il est orné de guirlandes, de balustres d’or et pavoisé aux couleurs amies.
Sur le devant, un écusson aux armes de la ville et le buste de Jacquard, un métier qui fonctionnera pendant le cortège, dirigé par un tisserand, l’ouvrier préparant la trame du métier sur le rouet, suivant la mode primitive encore en vigueur dans les campagnes
Sur des gradins à l’arrière du char, quelques ouvrières détachées de l’établissement de Mme Casse, les unes faisant des franges aux serviettes de toilette, les autres nouant ces franges et raccommodant la guipure, etc.
Sur un piédestal monumental se dressera la statue allégorique de la ville de Lille. Quatre postillons conduiront par la bride les quatre chevaux.
Le cortège
Quatre gendarmes à cheval ouvriront la marche, suivis de la fanfare à cheval du 19 ème chasseur.
Vingt sous-officiers, dont dix à cheval, pris parmi les cavaliers du train, feront la quête le long du parcours.
Les figurants
Deux enfants, une petite fille et un petit garçon, figureront dans le cortège, lui habillé en Russe et portant un drapeau français, elle en Française et portant un drapeau russe. Tous deux sont de Dunkerque ; ils ont, au dernier carnaval de cette ville, remporté la médaille d’or.
La ménagerie orientale
La ménagerie orientale sera également du cortège : elle contient un lion, un tigre, un ours blanc, un ours noir, un singe, leur dompteur et une famille velue qui descend probablement en ligne directe des anthropoïdes – lisez : des hommes face de singe…
Les porteurs
Le Comité des fêtes s’est assuré le concours de 200 porteurs, qui doivent se relayer le long du parcours pour promener les géants à travers la ville.
Les Peaux-Rouges et les Nubiens
Les sauvages Peau-Rouges de Dunkerque seront une des grandes attractions de la fête: vingt ou vingt-cinq jeunes gens tatoués, avec des plumes d’oiseaux rares sur la tête, des anneaux aux nez et aux oreilles, des peaux de bêtes sur les épaules, portant des lances, des massues, des instruments de musique irrécusablement sauvages, et dansant un pas échevelé.
Autres sauvages : ceux de l’Orphéon de Byn-el-Nabey, dit : Société de la Nubienne, Munis de. boums-boums et autres engins destinés à faire du bruit, ils parcourront les cafés en chantant des mélodies dahoméennes au profit de la fête.
Les musiques du Cortège : 400 musiciens
Voici les différentes musiques qui accompagneront la cavalcade :
La fanfare des Amis-Réunis de Wazemmes, composée de 60 exécutants, pantalon et dolman noirs, directeur M. Thys, précède le Char Aumônière grotesque.
L’Union françaises des Trompettes, composée de 34 exécutants à cheval, habillée en chevaliers gardes russes, directeur M. Clarey : marche en tête du cortège.
La musique du 10ème chasseurs à cheval, 33 exécutants, accompagne les géants douaisiens, chef : M. Dervaux.
Les Trompettes de Marquette, de 30 à 35 exécutants, uniforme ressemblant à celui du train sonneront le Reuselied. Chef : M. Lormel.
La fanfare de l’Union du Nord, composée de 60 exécutants en uniforme d’artillerie, précède le char de Mme Casse.
Les Enfants du Nord en tenue de télégraphistes, composés de 50 exécutants, précéderont les monstres de Mons. Chef : M. Friard,
La fanfare municipale de Loos, composée de 55 exécutants, accompagne Jeanne et Medeke. Chef : M. Béghin.
La fanfare du 10ème bataillons à pied, composée de 34 exécutants, marche avec Goliath. Chef : M. Baron.
Gabriel Sinsoilliez, chef d’orchestre au Grand-Théâtre, a composé une marche intitulée la Marche des Géants, et qui sera jouée dimanche sur la Grande-Place, pendant la cavalcade, par la musique du 43ème de ligne. On devine le succès qu’obtiendra ce morceau improvisé pour la circonstance.
Le ballon
Une ascension aérostatique sera faite par le ballon La Revanche. Ce ballon partira â l’heure où le cortège se mettra en route ; il sera monté par l’aéronaute M. F. Doignon, de l’Académie d’aérostation de Paris, et par· un amateur, M. Lepers, de la Société des Sauveteurs du Nord.
La bataille de confetti
Enfin, grande attraction : la bataille de confetti, qu’on avait annoncée d’abord comme limitée au Palais-Rameau, aura lieu tout le long du cortège.
Le service d’ordre
Formation du cortège. -Le char de l’usine de Fives et le char de Mme Casse après avoir traversé les rues de Fives de 10 à 11 heures, arriveront à Lille par la porte Louis XIV, escortés par des ouvriers et par des agents de police.
Gayant, Reuse et Goliath d’Ypres, logés aux Halles-Centrales, partiront des Halles-Centrales vers onze heures, pour se rendre aux Abattoirs, sous la garde des agents de la ville ; les mêmes dispositions sont prises à l’égard des géants de Bruxelles, de Jacquot, de Melle Fillon et de Binbin qui habitent le Palais-Rameau.
Le cortège. – Cent trente sergents de ville et les hommes mis par l’autorité militaire à la disposition de la police assureront le service d’ordre.
Sur la Grande-Place où doit avoir lieu la revue des géants et la course des monstres de Mons, les cavaliers formant la tête du cortège déblaieront le passage.
La circulation des tramways et des voitures sera arrêtée au fur et à mesure des besoins, des agents postés à 500 mètres en avant de la cavalcade, arrêteront les véhicules et ne laisseront rétablir la circulation qu’après le passage des géants et des chars.
On ne laissera passer dans le cortège que. les porteurs des insignes du comité (carton vert).
Une surveillance très activa sera exercée sur tous les escrocs qui tenteraient de faire la quête à leur profit.
Les vendeurs du programme officiel, qui est illustré et se vendra 25 centimes au profit de l’œuvre, porteront un brassard blanc ou une bande de même couleur à leur casquette. La police arrêtera tous les colporteurs qui, vendant un programme autre que celui du comité, le crieront sons le titre de programme officiel.
*****
Le concert du Palais-Rameau
PREMIÈRE PARTIE
- Marche d’ouverture de Dethne, par la musique des Canonniers,
- Une fête à Arranjuez, de Demerssman, par la musique des Canonniers.
- Prélude et marche nuptiale de Lohengrin, par la musique des Canonniers.
- Chœur de l’Union orphéonique.
- Mysaura, par la Musique de Lens.
- Laurette, par la Musique de Lens.
DEUXIÈME PARTIE
- Les Noces de Figaro, de Mozart, par la Musique de Lens.
Chœur de I’Union orphéonique.
- Morceau exécuté par les Mandolinistes
- Morceau exécuté par les Mandolinistes.
- Venesia, valse par la Musique de Lens.
- Les Deux Commères, polka, par la Musique de Lens
- S. – La musique des Canonniers ira chercher celle des mineurs de Lens, à l’hôtel du Mouton-Blanc, rue de la Vieille-Comédie, et lui fera cortège, jusqu’au Palais-Rameau, où le concert commencera à 8 heures. Bataille de confetti.
*****
La décoration de la ville
Dès samedi, toutes les grandes rues de Lille ont été splendidement pavoisées ; citons notamment la rue Faidherbe, la Grande-Place et la rue Nationale.
Le dimanche soir, tous les monuments publics et la gare de Lille seront illuminés.
Retour des trains
Départ de Lille-Saint-Sauveur à 9h.10, pour : Valenciennes, Le Poirier, Artres, Le Quesnoy, Berlaimont, Aulnoye, Dompierre, Avesnes, Sains, Fourmies, Anor, Hirson.
Départ de Lille-Saint-Sauveur à 9h.20, pour : Somain. Lourches, Bouchain, Iwuy, Cambrai-annexe, Cambrai, Cattenières, Caudry, Bertry, Busigny, Bohain, Fresnoy-le-Grand, Essigny-le-Petit, Saint-Quentin, Montescourt ; Ternier, La Fère, Laon.
Départ de Liüe-Saint-Sauveur à 9h.40, pour : Ebblinghem, Saint-Omet, Watten, Audruicq, Pont-d ‘Ardes, Fontinettcs, CaIais, Frethun, Caffiers, Marquise-Rinxent, Wimille-Vimereux, Boulogne.
Départ de Lille-Saint-Sauveur à 9h.50, pour : Lille (porte d’Arras), Lille (porte des Postes), Loos, Haubourdin, Santes, Wavrin, Don-Sainghin, Marquillies, La Bassée, Violaines, Cuinchy, Beuvry, Béthune, Fouquereuil, Choques, Lillers.
The Russo-Belgian Fêtes at Lille
The Daily Graphic, 27 Avril 1892
The magnificent Russo-Belgian Fetes in aid of the Russian famine and the victims of tbe mining catastrophe of Anderlues, which took place on Sunday last at Lille, were very successful. The weather was fortunately very favourable, and the originality and variety of the programme brought from all parts of the country an immense number of visitors. The principal streets and squares of the town through which the procession passed were one mass of flags and banners; the mixture of colours of the French, Russian, and Belgian flags formed a very pretty effect. Towards twelve o’clock the giants and monsters who had been lodged for the night in the several market halls started for the rendezvous, whence at a quarter to two the procession started, Gendarmerie on horseback led the way, followed by several regimental bands. Salvoes of artillery announced the arrival of the giants Lydéric and Phinaert, two legendary monsters, each about 25ft. high, dressed in line costumes for the occasion, The cavalcade was divided into seventeen groups, each led by the special band of music from its town. Several of the giants also had their own bands of music, playing the quaint ancient music attributed to the giant. Gambrinus, the cheery Bacchus of Namur, holding in his outstretched hand a glass of beer, large enough to drown a baby, followed the first section. Janneke and Mieke, two giants from Brussels; danced along next. The Tambour-major of the Hurlus 9f Lille, with his immense head; followed, beating time for his band of drummers dressed in the style of the sixteenth century. Then came Jeanne Maillotte, a legendary Jeanne d’Arc of Lille, precoding her band of archers; the several gymnastic societies, the car representing the fine arts, decorated, and holding twenty costumed figures, representing painting, sculpture, architecture, and so forth; and next « Grand papa. » and « Grandmamma. » from Brussels, dressed in quaint old-fashioned costumes, Each of them measured a good twenty-five feet. There followed the Grand Goliath d’Ypres, nearly thirty-five feet high, with a number of prettily-messed children encircling the monster and dancing. The car of the Horticultural· Society of the North of France came next, distributing flowers. Then came the « Homme de Fier. » of Loiguies, on horseback, and clothed in the splendid armour of the fifteenth century, and the giants of Nivelles-Monsieur Argayon and his spouse and son Lalo, a pretty little giant of 9ft., with an innocent face
The pride of the procession.
The great success was the Doudou of Mons, an immense green dragon, followed by the valiant St. George. Doudou was full of antics. When lashed into fury by the spears of the acolytes of the Saint, he danced about, lashing angrily his tail amid the crowd, knocking off hats and damaging parasols, to the great amusement of those his tail did not reach. The next group was led by the giant « Grand Turk. » of Brussels, followed by the redskinsavages of Dunkerque and an amusing menagerie of men in the garb of wild beasts. More music, and the wheel of fortune from Douai passed along, a revolving wheel on which were stationed seven figures representing dif¬ferent social degrees, from the peasant to the magistrate with Drum, Fortune crowning the wheel. The fine giant, Reuse-papa of Dunkerque, 40ft. in height, drove along. in his chariot, and after him a large model of a man-of-war, mounted with cannon and sailors, came by.
Sympathy with the miners.
The miners’car was received everywhere with acclamations, and the men had enough to do to catch the shower, of money thrown into the car. The car, of metallurgy, with steam engines and models of all kinds, succeeded, and then came giant Gayant of Douai and his children-Jacquot, his daughter, Mlle. Fillion, baby Bimbim, a fine child of seven feet, rat, pink in complexion, and well dressed in frock and bib, with hair prettily curled. Other less important cars and bands followed, and’ then the « Cup of Charity, . » drawing· showers of sous into it, closed the cavalcade. Then came a combat between St. George and the Doudou, in which St. George was victorious, the dragon giving a last terrible struggle and dying, after which his body, accompanied by the giants, was carried through the streets.