Les fêtes de Gayant à Douai
Les origines de la Famille Gayant
Gayant et sa famille
Le Grand Echo du Nord – 2 juillet 1913 (BNF Gallica)
Les fêtes qui auront lieu, à Douai, les 6, 7 et 8 juillet prochain, pour célébrer l’anniversaire de l’annexion de la ville à la France, promettent d’avoir, cette année, un éclat exceptionnel. Le programme, comporte des attractions multiples, et, parmi elles, un festival important qui amènera dans la cité de Gayant 120 Sociétés musicales, soit environ 5000 musiciens, un tir à la cible auquel 60 compagnies, soit 2.000 pompiers environ, ont promis de participer.
Quant à Gayant, pour se promener, selon la tradition, par les rues de la cité, en compagnie de sa famille, il a fait, nous l’avons déjà dit peau neuve et une tête nouvelle a remplacé son vieux chef terni.
C’est une coutume, à Douai, de voir Gayant et sa famille participer à ces fêtes annuelles et leur célébrité s’est, depuis des siècles, accrue à un tel point que les foules accourent, chaque année, des points les plus extrêmes de la région, pour s’esbaudir à leur passage. Le géant douaisien, cuirassé comme un guerrier du XVIème siècle, est accompagné de son épouse, Marie Cagenon ; de ses enfants Jacquot, Melle Fillion, et du benjamin, Binbin, « ch’tiot tourny », comme l’appellent les Douaisiens, à raison du léger strabisme dont il est affecté et qui lui vaut d’être embrassé par tous les enfants qui veulent, .suivant la légende, être préservés de son infirmité ; – puis, du char de la « Roue de Fortune », du haut duquel la Fortune, aux yeux bandés, répand, au hasard, les dons de sa corne d’abondance sur six personnages allégoriques, et du « Sot des Canonniers », autrefois chargé de faire la police dans les processions, et remplissant aujourd’hui les fonctions de quêteur, plus en rapport avec les mœurs actuelles. Quel fait héroïque perpétue Gayant ? Quel ancêtre personnifie cet immense mannequin d’osier, qui ne mesure pas moins de huit mètres de hauteur ?
Gayant. est-il l’un des rejetons de la race titanique qui habitait la tour du Vieux-Tudor, aux premiers temps de. la ville de Douai, ou personnifie-t-il le guerrier qui, en 881, sauva la ville des mains des Normands ? Rappelle-t-il Jehan Gelon, seigneur de
Nord, assiégeant la ville, ou saint Maurand, patron de Douai, qui, en 1479 ou 1556, selon quelques-uns, sauva miraculeusement la ville ? N’est-il pas plutôt le vestige d’une coutume importée d’Espagne par Charles-Quint, pour amener les foules dans la ville et augmenter ainsi la valeur des fermes ? ou la représentation solennelle d’un fait historique. l’emblème du triomphe de notre antique civilisation sur la barbarie, le symbole de la régénération de la Gaule ?
Les avis diffèrent et les précisions manquent. Mais, il est plus vraisemblable que Gayant – mot patois de géant- fut le fait d’un esprit inventif qui, ayant à composer un programme de réjouissances publiques, imita l’exemple d’autres villes des Flandres et de Belgique, qui possédaient déjà leurs « gayants d’osier ».
Quelle que soit l’origine de l’institution de Gayant, le géant existe depuis fort longtemps ; il est un symbole cher aux Douaisiens et il a son histoire. Gayant date, croit-on, de 1531. Il était alors célibataire, et ce n’est que vers 1665 qu’on lui donna une épouse, d’abord, des enfants ensuite. La famille Gayant faisait alors partie des processions générales et religieuses qui avaient lieu, chaque année, à l’occasion de la. fête patronale de Douai. Mais. en 1699, l’évêque d’Arras, Guy de Sève, jugeant « profane, et indécente » la présence de ces mannequins, les supprima. Les Douaisiens organisèrent alors, à côté de la procession générale, la procession de Gayant. La popularité des géants s’en accrut si bien qu’en 1770, l’évêque d’Arras décréta la suppression du cortège de Gayant, par mandement qui fut confirmé, le 6 juin 1771, par lettres closes de Louis XV. Cette suppression faillit provoquer, à Douai, une véritable révolution.
En 1779, Gayant reparut, mais pour disparaître de nouveau, en juin 1792. par décision du maire et des officiers municipaux, en raison de l’état de « défectuosité et de pourriture » de ces « figures gothiques, inventées dans les temps de despotisme et d’ignorance », dont la remise en état eût coûté trop cher.
En 1801, le cortège de Gayant fut rétabli définitivement ; ce fut une explosion de joie dans la population de la cité.