LES FÊTES JUBILAIRES DE LA BELGIQUE – Le cortège des géants à Bruxelles
L’Illustration – 2 août 1890
(Collection D. De Coune/Terre de Géants)
On sait que le clou des fêtes de Bruxelles, dont nous avons parlé déjà dans notre dernier numéro, a été le défilé du cortège des géants, auquel ont pris part les principales localités de la Belgique. Ces monstres d’osier et de toile peinte, ces mannequins rébarbatifs, dont chacun dit une vieille tradition aimée .du, peuple, conservée de père en fils, a fait la joie des Bruxellois; petits et grands. Aussi fallait-il voir la foule se presser sur le passage du cortège, qui s’était organisé le long du boulevard du Midi. Des agents casqués, gantés de blanc, des pompiers, des gendarmes montés sur leurs hauts chevaux, faisaient la haie, pendant que des commissaires, en habit noir, et brassard tricolore au bras, allaient et venaient, veillant à ce que le désordre ne se. mit point dans le défilé. Absolument original, ce ·défilé, auquel nous allons assister et que nous allons applaudir, nous aussi. Voici que les premiers groupes se mettent en marche avec une sage lenteur. En tête, des gendarmes sur deux rangs caracolent, et ont la plus grande peine à frayer un: passage dans la cohue.
Ceux qu’on acclame le plus sont naturellement les géants de Bruxelles : Mon oncle et le Grand Turc (n° 11); ce dernier, très. moustachu, avec un costume de velours vert et jaune d’un orientalisme peu orthodoxe assurément, mais bien drôle ; et les nouveaux géants de la capitale bruxelloise : M. et Mme Brabo (n° l et 6), le premier, un terrible guerrier, armé de pied en cap, et dont la vue seule fait-frissonner ; sa compagne, plus douce, et comme terrifiée, elle aussi, par son mari qui s’avance derrière elle. Voici les géants de Nivelle : l’Argayon, sa femme et leur bébé (n° 2) ; les deux: premiers très beaux, ‘avec leurs manteaux de velours noir bordé d’or ; le géant Corbeille, de Schelewip (n° 3), avec sa large toque qui s’ouvre toute grande pour recevoir les pièces de monnaie que l’on jette des fenêtres ; les célèbres géants d’Anvers : Druon Antigon et Pallas, sa compagne (n° 4 et 5); ils sont superbes tous deux et dominent la foule de très haut.
Voici les géants d’Alost, Polydor, Polydora et Polydoorke (n° 7) ; Polydore, charge charentonnesque de certain Belge devenu magistrat en Angleterre ; le géant de Nieuport (n° 5), un personnage de neuf mètres de hauteur, pesant 500 kilogs et porté par douze hommes; les quatre géants de Vilvarde (n° 9), à la mise campagnarde et au teint hâlé ; Goliath, le géant d’Ath (n° 10), blindé d’une armure, et suivi de sa femme qui porte un bouquet et se pavane dans une belle robe blanche. Enfin voici le géant d’Hasselt (n° 12) qui, assis fièrement et la lance au poing, regarde au-dessus de la foule qu’il méprise – ou qu’il protège.
Et le cortège circule dans les rues noires de monde jetant une gaieté bruyante dans ces fêtes officielles, toujours un peu guindées et qui avaient quelque peu besoin de .cet élément de bonne humeur.
L’Illustration – 2 août 1890