Les fêtes de Lille
Le Grand Écho du Nord et du Pas-de-Calais – 18 juin 1912 (© BNF Gallica)
La journée de dimanche
Des averses abondantes tentent de noyer l’enthousiasme de nos visiteurs.
Les musiciens fédérés et les nombreux amis qui les accompagnaient se proposaient de tirer le meilleur parti possible de leur excursion à Lille. Le cœur mis en fête, à la sortie de la gare, par l’heureux compliment qu’ils pouvaient lire sur l’arc de triomphe élevé en leur honneur, ils se promettaient une journée glorieuse et pleine de joie.
Il tombait bien à ce moment une petite pluie fine et serrée, mais on aurait fait contre mauvaise fortune bon cœur, et, après tout, pensait-on, peut-il y avoir , une grande fête à Lille sans une tentative de pluie ?…
Les musiciens fédérés, avec une excellente, philosophie, allaient saluer la bonne ville de Lille. si accueillante, de l’éclat de leurs fanfares, quand l’averse tomba, avec une abondance et un fracas impitoyables.
Quelques instants après, on pouvait retrouver tous les débris du cortège dans les cafés avoisinant la gare et dans ceux de la rue Faidherbe.
Quant au monde officiel, il s’était réfugié dans la salle des pas-perdus de la gare, pour attendre l’arrivée du représentant du ministre.
Et, à partir de ce moment, que d’eau ! que d’eau ! Il ne reste plus qu’à la regarder tomber, avec l’espoir timide que le temps voudra bien se lever vers midi. Mais le ciel aura-t-il ce mouvement de clémence ?…
La pluie tombe cependant moins abondante à mesure que l’heure passe.
Les musiques profitent de leur accalmie pour se reformer et défiler par les rues de la ville.
Sur le parcours de la gare à la rue Nationale, elles jouent des marches entraînantes.
L’une d’elles, l’excellente harmonie d’Ostricourt, sensible au salut, que la façade de « l’Écho du Nord », adresse aux musiciens fédérés, s’arrête devant nos bureaux, quelques instants, et nous gratifie d’une aubade.
La revue des sociétés
C’est sous une violente averse et sous les parapluies qu’elle fut passée. — Le défilé n’a pu avoir lieu.
Lille s’est éveillée dimanche, malgré la pluie, au bruit des tambours. Les caisses des « tapins » ont résonné de bonne heure et, dans tous les quartiers, – car ce sont elles qui ont conduit à la revue passée par la Municipalité, toutes les sociétés de jeux populaires, sans lesquelles les fêtes de Lille seraient incomplètes.
La revue des sociétés ne sera jamais rayée du programme, parce qu’elle est une de ces manifestations traditionnelles auxquelles le public tient jalousement. Elle rappelle le passé. L’histoire locale y tient une place 0riginale. Lydéric, Phinaert, Jeanne Maillotte et le grotesque tambour-major des Hurlus y figurent à la grande joie des vieux Lillois et des enfants.
Cette année, la revue fut passée square Ruault, en plein quartier Saint-Sauveur
Aussi, dimanche matin, tout Saint-Sauveur était sens dessus dessous. Hommes, femmes, enfants se pressaient dès neuf heures, malgré la pluie qui tombait sans discontinuer. Dans les estaminets, autour des canettes, en pur patois du quartier, allaient leur train. Évidemment, cette revue n’eut pas le brillant succès de ses devancières. On y vint avec des parapluies, des drapeaux dans leurs gaines. Les beaux pantalons blancs des concurrents des joutes sur l’eau, furent vite défraîchis ou plutôt rafraichis. Une petite cantinière dut rentrer précipitamment dans un café pour sauver ses petits souliers blancs de la boue dans laquelle tout le monde pataugeait.Malgré ce fâcheux contretemps, les joueurs faisaient tout de même bonne figure. Ils plaisantaient, la pipe à la bouche, ou le cigare aux lèvres, et les facéties couraient d’une société à l’autre. On s’amusait devant l’accoutrement de « D’siré », le plus joyeux des pensionnaires de l’Hospice Général qu ses camarades avaient habillé en John Bull ! Naturellement, « D’siré » avait déjà rendu maintes visites aux cabarétiers, aussi ses excentricités rendaient moins tristes les plus moroses.
Il est neuf heures et demie, quand, en face de la rue des Sahuteaux, éclate la « Marseillaise » exécutée par la Musique municipale des Sapeurs-Pompiers. Des landaus, descendent M. Delesalle, maire, et une grande part de son Conseil municipal.
M. le Maire est entouréde MM. Brackers d’Hugo, Liégeois-Six, Rémy, Damhrine, Duburcq, adjoints ; Leleu, Lessenne Désire Danel, Coutel, Delos, Lesot, etc.
Rapidement, M. le Maire et ses collaborateurs passent devant le front des sociétés. Et il pleut toujours ! Les tambours ne résonnent plus. Seuls, les clairons jouent vaillamment sous l’averse.
La revue terminée, les autorités se groupent devant l’entrée de la lue des Sahuteaux et, comme à l’ordinaire, les sociétés défilent devant elles.
Le mauvais temps a retenu à leur siège de nombreuses sociétés, de sorte que le défilé n’a pas eu son importance habituelle.
En passant devant les autorités, des vieux de l’Hospice, portant au bras gauche un petit brassard tricolore, allaient se découvrir ; M le Maire les pria de n’en rien faire, tant la pluie redoublait de violence.
Le défilé à peine terminé, une trombe d’eau s’abattit sur la ville. Ce fut un sauve-qui-peut général. La municipalité gagna rapidement ses landaus, et, musiciens, sociétés, curieux, se précipitèrent dans les estaminets et dans les cours.
Le tambour-major des Hurlus se débarrassa de son énorme tête en carton et se sauva tant bien que mal avec sa pesante culotte rouge. Quant aux douze hommes chargés de porter Lydéric et Phinaert, ils sortirent, rapidement de dessous les jupes ces deux géants qu’ils plantèrent là sans plus de façons. Pauvres géants ! On les a rentrés trempés à la Halle aux Sucres. Il est vrai qu’ils ont une année pour sécher !
Il va sans dire que la pluie a empêché le défilé des société de jeux dans les rues du centre de la ville. Et c’est dommage, car ce défilé. qui est passé dans les traditions lilloises est toujours pittoresque et pour cela même très goûté du public.
La réception du représentant du gouvernement
C’est par l’express de 11 heures qu’est arrivé, dimanche matin, M. Versini, chef de cabinet de M. Guist’hau, ministre de l’Instruction publique, venu à Lille pour présider la Fête fédérale des Musiques du Nord et du Pas-de-Calais.M. Assaignion secrétaire général de la mairie ; Le Gooaster, inspecteur principal de la Compagnie du Nord ; Brochart, chef principal de gare ; Peltier, directeur départemental de l’Enseignement primaire ; Gaëhlinger, commissaire central, etc.
Lorsque le train accosta au quai, la Musique municipale attaqua l’hymne national et M. Versini, descendant de son compartiment, fut reçu par M. le Recteur qui lui présenta M. Trépont et M. Charles Dellesalle. Pour chacun d’eux, le chef du cabinet du Ministre eut un mot aimable
A son tour, M. le Maire présenta le Conseil municipal à M. Versini ; puis, précédé des huissiers de la mairie, le cortège officiel traversa les quais, où la foule des voyageurs arrivés par les trains précédents était maintenue par la gendarmerie, sous les ordres de l’adjudant Pisque, et de nombreux agents sous la direction de MM. Sevé et Mathieu, commissaires de police.
Sous la pluie qui ne cesse tomber, MM Versini, Trépont. Lyon et Ch. Delesalle prennent place dans le premier landau, et, dans les suivants, montent les autres personnalités.
Au galop des attelages, le cortège officiel gagne alors la Salle de Spectre, où a lieu la distribution des récompenses aux vieux musiciens.
A midi, le ciel se dégage
Ainsi que nous l’avions prévu, le ciel s’est dégagé vers midi, laissant espérer, pour le reste de la journée, un temps plus favorable.
Le Congrès
Dimanche, à neuf heures, dans la salle au Théâtre municipal, s’est ouvert le Congrès des musiques du Nord et du Pas-de-Calais. M. Alfred Richart, président de la Fédération, présidait.
Sur l’estrade, avaient pris place MM. Cuelenaere, vice-président, directeur du Conservatoire de Douai ; Bleuzet, professeur à l’Ecole de musique de Saint-Omer ; Fanyau, secrétaire général de la Fédération ; Rontier,rédacteur au « Monde Orphéonique ».
Dans la salle, on remarque de nombreux délégués.
M. Alfred Richart prend le ‘premier la parole et lit un télégramme que le bureau adresse à M. le ministre de l’Instruction publique – , « Les .représentants des 988 sociétés musicales fédérées du Nord et du Pas-de-Calais, groupant plus de. 49.000 musiciens, réunis en Con.grès, à Lille, vous adressent en ouvrant leur? travaux, l’hommage respectueux de leur cor diale sympathie et l’assurance de lenr sincè.re attachement au gouvernement de la République. » M. Fanyau, secrétaire général, remercie les musiciens, « qui donnent au monde musical une preuve de leur union ». Il se plait à énumérer les progrès constants de la Fédération dont les œuvres : « le Sou du Soldat-Musicien Français », « l’œuvre du Bébé », sont si belles. Il traite ensuite la question des musiques militaires, dont il préconise le relèvement. Il retrace les alternatives d’espoir et de craintes par lesquelles les musiciens passèrent en présence des dispositions bienveillantes ou hostiles des ministres de la guerre. « On ne peut, dit-il, supprimer les musiques militaires, car la musique donne des ailes à la victoire ».
M. Fanyau parle ensuite des bienfaits des œuvres d’assistance fondées par la Fédération, le « Gros Sou Orphéonique » et le « Sou du Musicien-Soldat ».
M. Richart remercie le secrétaire général lui exposa d’une façon si claire la situation de la Fédération et donne lecture d’un télé gramme adressé à M. le Ministre de la marine.
« Les musiciens fédérés du Nord et du Pas-de-Calais réunis en Congrès à Lille vous prient de transmettre à familles des braves disparus avec le « Vendémiaire », l’expression de leurs sympathiques condoléances, en attendant arrivée des membres de la Flotte de Brest pour acclamer en ceux-ci les marins, hommes le devoir et de dévouement. »
M. Brisson, ingénieur aux Mines de Béthune, rapporteur de la Commission de contrôle donne le résumé de la situation plus prospère que jamais.
M. Gaudefroy, trésorier, appuie cette déclaration de quelques chiffres.
M. Michonneau, vice-président. met aux voix le renouvellement partiel du Comité. Tous les membres sortants sont réélus : M. Alfred Richart est nommé président fondateur.
M. Leroy, de La Gorgue, rapporteur de la commission pour les chemins de fer parle des négociations entreprises avec les Compagnies pour obtenir le 66 pour cent, négociations qui n’ont pas abouti jusqu’à présent.
M. Plancet, d’Honnechy, parle du développement des œuvres annexes de la Fédération ; M. Richart lance alors l’idée d’une vaste tombola qu’on accueille avec joie. Il demande ensuite au Congrès d’offrir la présidence d’honneur de l’Œuvre du « Gros Sou Orphéonique » à M. Bourgeois, ministre du Travail.
M. Rousse, de Le Quesnoy, lit un rapport sur les distinctions à accorder aux vieux musiciens.
Diverses communications sont encore faites par M. Manaut, de Tourcoing, sur la question des droits d’auteur.
M. Verbregghe, chef de la Société Philharmonique d’Armentières, parle des musiques militaires en qualité d’ancien chef de musique du 1er génie. « La situation, dit-il, est grave avec la loi de 2 ans qui ne, permet pas d’assurer le fonctionnement des musiques militaires qui vont en s’affaiblissant. » Et il souhaite que le projet déposé par la commission de l’armée soit, voté le plus rapidement possible.
M Féron, professeur de philosophie au collège de Maubeuge, parle de la musique à l’école, question qu’il traite avec une belle éloquence.
Arrivée du délégué du Ministre
A 11 heures et demie, M. Versini, directeur du cabinet du ministre de l’Instruction publique, fait son entrée, suivi de M. Trépont, Préfet du-Nord ;; Charles Delesalle, maire de Lille ; Lyon, recteur d’Académie ; Duburcq, Dambrine, Binauld, Liégeoisx-Six, Wauquier, adjoints, et de nombreux conseillers municipaux.
Il est reçu par M. Richart. Le délégué du ministre prend place dans un fauteuil et le congrès se poursuit.
M. Cuelenaere demande que le parrain de 7ème enfant de chaque musicien soit M. Richart. Ce dernier accepte au milieu ces applaudissements. Puis il est décidé que la ville de Lens sera choisie pour le prochain congrès de 1913.
Au cours de cette solennité, on couronnera la muse du travail.
M. Richard remercie ensuite M. le délégué du ministre d’avoir bien voulu assister au congrès puis il lui demande de faire bon accueil aux vœux émis.
M. Versini se dit honoré et confus de la distinction de M. le Ministre qui l’envoya assister a, congrès de Lille et déclare qu’il est convaincu que la musique doit tenir une grande place d’ans l’enseignement, mais « il faut, ajoute-t-il, donner la foi musicale aux maitres ».
M. Versini décerne alors les récompenses suivantes
Officiers de l’instruction publique
M. Bourée, entrepreneur de travaux publics à Lille ; Defernez, conseiller d’arrondissement à Liévin ; Gabelles, professeur de musique à Abscon ; Mme Lefebvre, professeur de chant à Lille.
Officiers d’Académie
MM. Bègue, artiste musicien à Cambrai ; Brisson, ingénieur à Béthune ; Caudron, chef de musique à Frais-Marais ; Cobou, professeur de musique à Lille ; Couvreur, trésorier de section régionale de l’Art à l’école ; Corfaux, professeur de musique à Valenciennes ; Delonque, chef de bureau à la Mairie de Lille ; Desrousseaux, chef de bureau à la Mairie de Lille ; Evin, sous-chef de musique à Nœux ; Gaspard, professeur de musique à Lille ; Hautoit, professeur de musique a Solesmes ; Houseaux, président de société musicale à Annay-sous-Lens ; Labbe, vice-président du Sou des écoles laïques à Lambersart ; Leclercq, président de société de musique à Wattrelos.
M. Lesaffre, professeur de musique à Ronchin ; docteur Looten, médecin à Lille, président du Cercle Berlioz ; Maillard, fondé de pouvoirs à la recette des finances à Béthune ; Martin, commissaire de police à Lille ; Noura, chef de musique à Wavrechain ; Portebois, sous-chef d’harmonie à Lille ; Sandrart, inspecteur à la Compagnie du Nord, à Arras ; Wilmot, musicien aux Canonniers sédentaires.
La Médaille de vermeil de l’Encouragement au Bien a été attribuée à MM. Doutremepuich, de Saint-Laurent-Blangy, membre du comité de direction ; Plancot, d’Honnechy, membre du Comité Artistique ; Duhamel, de Roubaix. membre du Comité Artistique ; Lecat, d’Avion, président de la commission de contrôle ; Chavatte, d’Anzin, membre du comité de direction ; Catteaux, de Roubaix, président de la Grande Harmonie ; Fournier, de Roubaix, secrétaire de la Grande Harmonie.
La médaille de la Fédération Musicale de France est décernée à-MM. Henri Chavatte, membre du comité de direction, directeur de la Fanfare des Forges et Aciéries de Trith-Saint-Léger ; Louis Knorr, vice-président de la Fanfare Delattre, de Roubaix ; Henri Hennion, de la Société Philharmonique de Linselles ; Victor Tison de l’ Harmonie Municipale de Saint-Amand-les-Eaux ; Juste Bancourt, président de l’Harmonie de Ruyaulcourt.
La médaille d’honneur de la Fédération des Musiques du Nord et du Pas-de-Calais est attribuée à MM. AlphonsVanduick, membre du Comité artistique, chef de l’Harmonie municipale de Saint-PoI-sur-Ternoise (P.-de-C.) ; Jules Dallais. membre du Comité artistique, directeur de la Chorale « La Cécilia » de Lens; Léon Manaut, membre du Comité de direction, vice-président des « Crick-Sicks » de Tourcoing ; Emile Honorez, de la Fanfare Delattre, de Roubaix ; Léon Léger, de la Fanfare municipale de Sous-le-Bois-Maubeuge.
M. François Loiseau, de la Fanfare municipale de Sous-le-Bois-Maubeuge ; Cyrille Guiot, de la Musique municipale d’Ardres (P.-de-C. ; Louis Magy, de la Fanfare municipale de Sous-le-Bois-Maubeuge ; Adolphe Warnotte, d,e la Fanfare municipale de Sous-le-Bois-Maubeuge ; Alexandre Tilmant, des Orphéonistes de Valenciennes.
Remise du fanion
A midi eut lieu, place Sébastopol, la remise du Fanion à l’Harmonie municipale des Sapeurs-Pompiers par la Grande Harmonie.
Hélas ! cette cérémonie n’eut pas l’éclat qu’elle devait avoir. Cependant la pluie avait cessé et de timides rayons, oh ! bien pâles, perçaient les nues. Quand les autorités apparurent sur le perron, une sonnerie brève retentit. Les notes claires et prenantes de « Au Champ » éclatèrent. Puis, la Grande Harmonie de Roubaix remit à l’Harmonie municipale des Sapeurs-Pompiers le Fanion. Ce fut simple, mais très beau. Alors un morceau joué successivement par les deux sociétés termina cette solennité. Le soleil déjà s’était caché et de grosses gouttes hâtèrent la fin. Les spectateurs qui avaient tenu à assister à cette remise du fanion durent rapidement chercher un refuge.
Le banquet
Un banquet réunissait, dans un des salons de l’Hôtel Divoir, ceux qui organisèrent cette fête.
A la table d’honneur avaient pris place MM. Delesalle, maire de Lille, qui présidait ; Versini ; Trépont ; Lyon ; Richart ; Couesnon, député de l’Aisne ; Allain ; Looten, président du Cercle Berlioz ; Melchior, consul de Belgique ; Cuelenaere, directeur du Conservatoire de Douai ; Le Goaster, inspecteur principal des Chemins de fer du Nord ; Michonneau, vice-président de la Fédération ; Gæhlinger, commissaire central ; Assoignion, secrétaire général de la mairie ; Aussaresse. chef de cabinet de M. le Préfet ; Leroy, chef adjoint ; Dambrine, Duburcq, Wauquier, Binauld, adjoints ; Désiré Danel, Guiselin, Lessenne, Ducastel, etc., etc.
Au Champagne, M. Delesalle prit le premier la parole au nom de la municipalité. Il remercia M. le délégué .du ministre de l’Instruction publique, MM., Trépont, préfet du Nord ; Couesnon, député ; Lyon, recteur ; Le Goaster, et leva son verre à la Fédération du Nord et du Pas-de-Calais et à son président.
M. Richart remercia à son tour le délégué du ministre et les invités.
M. Versini, regretta que le temps, au fond grisaille, qui rappelle « celui de la petite Patrie de M. Guisthau », n’ait pas voulu se mettre de la partie, et félicita la Fédération, qui est une grande mutuelle pour les musiciens.
Puis les autorités, à l’issue du banquet, se dirigèrent vers la Grande-Place pour assister au défilé des musiques.
La promenade Flamande
Magnifique défilé de 23.00 musiciens
Il n’a pas duré moins de deux heures. — Une foule immense l’a contemplé.
Cent, cent cinquante mille personnes… Peut-être plus, peut-être moins ! Est-ce qu’on sait ?… Qu’importe ! Mais ce qu’on peut dire, c’est qu’il y avait, dimanche après-midi, des foules immenses, des cohues en certains endroits, un peuple massé sur tout le parcours du cortège, dans les rues, sur les places, aux fenêtres, partout.
On avait prévu ce succès, mais pas à ce point, car la pluie, qui tombait encore à deux heures, avait fait perdre les dernières espérances.
A trois heures, heureusement, comme sous l’effet d’un coup de baguette magique, le ciel apparut plus bleu et le soleil se montra éclatant. Ses caresses répandirent partout la joie et la gaieté. La musique fit le reste.
Et quelle musique ! Pendant près de deux heures, ce fut un défilé ininterrompu de fanfares, d’harmonies, de trompettes, d’orphéons, d’accordéonistes, exécutant marches et pas redoublés.
474 sociétés, soit plus de 23.000 musiciens, défilèrent. Cela représente plus d’une division de fantassins sur le pied de guerre !
Jamais on ne vit à Lille un cortège aussi long et Dieu sait si notre ville est habituée à ces sortes de manifestations dans la rue.Tous les points de la région du Nord, de Bruxelles, de Tournai, des départements voisins : de la Somme, de l’Aisne, des Ardennes, de l’Oise, de la Seine même et de l’Eure. De là, une diversité d’accents dans les conversations qui contraste avec l’accord qui s’établit quand il faut jouer.
Beaucoup de monde au début du parcours, square Ruault et rue Saint-Sauveur. On ne cachait pas que c’était là le point difficile.
Que de bousculades, de poussées, il allait y avoir rue des Augustins. Gendarmes et agents en frémissaient. On tremblait ! Eh bien ! le cortège est passé sans encombre. Sur les trottoirs, foule assurément, mais une foule étonnante de calme, de dignité presque personne ne disait mot, les curieux étaient muets d’admiration. Car ce cortège ne fut pas dépourvu d’une certaine grandeur. Elles représentent, en effet, quelque chose de très respectable, ces sociétés de musique. Elles symbolisent nos traditions artistiques, notre esprit d’entente, elles caractérisent notre initiative et notre belle humeur.
Il y avait sans doute dans ce cortège des éléments de gaieté, un peu de gravité comique, un peu de naïveté : les uniformes trop galonnés de certains chefs, les redingotes trop am pes et la démarche importante de certains présidents trop gr.os. Mais chacun savourait la joie,1ière que promenaient dans le soleil les soies légères aux tons éclatants ou tendres des merveilleux drapeaux ou étendards ruisselants de lumière et les ors des bannières, les ors déjà vieux des broderies et des médailles évoquant la ténacité d’efforts déjà longs et tes récompenses.
Il est heures et demie quand la tête du cortège, que précèdent des gendarmes à cheval, arrive sur la Grand’Place, inondée de soleil. Dans la tribune officielle élevée pied de la Déesse, les autorités ont pris place. Au premier rang sont assis : MM. Versini, Trépont, Allain, Aussaresses, Charles Delesalle, Dambrine, Brackers d’Hugo, Binauld, Liégeois-Six, Rémy, adjoints ; Leroy, sous-chef de cabinet du Préfet ; Peltier, directeur départemental de l’Enseignement primaire ; Richebé, Lesennes, Rémy, Leleu, Désiré Danel, Coutel, Guislain, Legrand-Herman, Druez, :Lesot, etc., conseillers municipaux.
M. Assoignion, secrétaire général de la mairie ; Couesnon, député de l’Aisne; Richart, président, et Fanyau, secrétaire général de la Fédération ; le commandant Boivin, du bataillon des sapeurs-pompiers de Lille ; Dr Beune, d’Armentières ; Vimy, chef de musique du 8ème de ligne, etc.
Les terrasses des cafés sont pleines et les fenêtres des maisons sont noires de monde.
Les clairons et la musique municipale des sapeurs-pompiers de Lille ouvrent la marche. Derrière, vient le fanion fédéral entouré des bannières des sociétés lilloises qui lui font une magnifique escorte d’honneur.
Puis, commence le défilé des sociétés lilloises et roubaisiennes qui marchent précédées de bannières dont les couleurs chatoyantes rehaussées des ors, des médailles et des couronnes de laurier produisent le plus bel effet.
Et le cortège continue à défiler majestueusement dans un ordre parfait, sans à-coups.
Les choristes, les orphéonistes ajoutent une note de gravité à cet ensemble vraiment pittoresque. Beaucoup sont en habit, avec le pardessus sur le bras et l’indispensable parapluie. Ils se découvrent en passant devant la tribune officielle, les femmes agitent leur mouchoir. De la tribune on répond à ces marques de politesse par des applaudissements.
L’intérêt s’attache plus particulièrement à l’originalité des costumes, car les marches exécutées par les Sociétés sont différentes et cela produit une cacophonie presque fatigante.
Les petits fifres des mines de Dourges, à Hénin-Liétard, sont très remarqués et applaudis. L’ironie aigrelette de leurs instruments contraste singulièrement avec les rugissements des bugles et des trombones à coulisse, le ronron rythmé des altos et la voix grave des basses. La Fanfare des mines d’Ostricourt est aussi remarquée, car ses sociétaires sont tous des mineurs en tenue de travail, cotte et pantalon bleu avec chapeau en cuir bouilli surmonté de la petite lampe. Le Cercle choral mixte Tournaisien est composé de dames en blanc, coiffé d’un canotier de même, couleur.
Mais voici une société dont le costume fait sensation. Il s’agit de l’Harmonie « communale » d’Hazebrouck. Les musiciens portent l’uniforme, avec le havresac, des sapeurs-pompiers de l’Empire ! Derrière leur tambour-major, qui manie adroitement sa canne, ouvrent la marche quatre superbes sapeurs, d’une prestance magnifique, qui sont coiffés d’énormes bonnets à poils noirs et portent de grands tabliers en. peau blanche et des gants à crispin de même couleur:
Le défilé de ces musiciens, dont le costume nous rappelle un autre âge, a été très applaudi.
Les musiciens de l’Harmonie municipale de Thiant, tout de blanc habillés, avec, sur la tête, un casque blanc aussi, ressemblent à de jeunes coloniaux.
Et le défilé continue, continue. Voilà une heure et demie qu’il dure. Il semble qu’on n’en verra jamais la fin. Les chevaux des gendarmes s’impatientent. Ils hennissent ; c’est une note de plus dans la cacophonie ininterrompue. Quant au public, il ne bouge pas. Il ne se lasse pas d’admirer ce spectacle qu’il ne reverra pas avant longtemps. Au contraire il semblait qu’à la fin d’e ce défilé la foule grossissait de plus en plus sur son passage, ce qui a fait dire que les curieux qu’on avait remarqués au départ étaient venus par des rues détournées pour le contempler une fois de plus. Il était cinq heures vingt quand la dernière société, la Fanfare municipale de Lambres-lez-Douai, apparut, suivie des gendarmes fermant la marche.
En deux heures, 23.000 musiciens avaient défilé. Ce grandiose spectacle restera inoubliable. Les deux appareils cinématographiques qui l’ont enregistré en feront connaître l’originalité.
Les concerts
De la musique, encore de la musique, toujours de la musique ! Telle aura été la caractéristique de cette journée.
A l’issue du défilé, toutes les Sociétés se rendirent aux emplacements qui leur étalent assignés pour faire entendre deux morceaux à leur choix. Il n’y eut pas moins de quarante-trois emplacements. Il y a eu de la musique dans tous les quartiers, aussi bien à Fives-Saint-Maurice qu’en ville. On a joué sur des kiosques en plein air, « sur les-places, aux carrefours des rues principales, dans des salles, dans des écoles. Partout ces concerts ont été suivis par une foule compacte qui n’a pas ménagé ses applaudissements aux musiciens.
A la salle du Kursaal
A peine le long défilé des sociétés était-il terminé, que la foule s’empressait et envahissait la coquette salle du Vieux-Marché-aux-Poulets.
Là, en -effet, les amateurs de belle musique étaient assurés d’assister à une rare audition.
Et celle-ci, en effet, fut ce qu’en attendaient les spectateurs, qui ne se firent point faute d’applaudir les diverses sociétés qui, tour à-tour, se présentèrent sur la scène.
Chacune d’elles, qu’elle fût du Nord ou du Pas-de-Calais, ou de Belgique, recueillit les bravos mérités par la magistrale exécution de son programme.
Le concert du Grand-Théâtre
Ceux qui ont eu La: bonne fortune d’assister au concert du Grand Théâtre dans lequel se faisaient entendre les grandes fanfares, ont passé des heures agréables.
Le gros succès du concert revient à la Fanfare des Mines d’Ostricourt, dont les 70 exécutants, habilement dirigés par M. Housieaux, interprétèrent avec brio l’ouverture des Francs Juges, de Berlioz, et la belle Marche des Fiançailles, de Parès.
Il revient aussi, pour une large part, au Cercle Weber d’Armentières, que M. Houvenaghel dirige avec autorité et talent.
L’excellente fanfare a exécuté d’une façon vraiment magistrale la Symphonie en mi bémol de Félicien David, et Benvenuto Cellini, de Berlioz.
Elle a été chaleureusement applaudie. L’auditoire a beaucoup apprécié, d’autre part, les brillantes qualités dont ont fait preuve la Fanfare des Mines de Béthune, la Fanfare des Mineurs de Nœux-les-Mines, la Fanfare Ouvrière municipale de Lens, celles d’Hersin-Coupigny, de l’usine du Pont de Courrières, des Mineurs d’Auberchicourt et des Mineurs d’Abscon.
Ce fut, en résumé, une belle manifestation artistique qui contribuera à augmenter encore l’estime et la sympathie que nos concitoyens ont pour les sociétés musicales minières.
Le concert de l’Hippodrome
Une foule immense avait pris place, des cinq heures, dans la vaste rotonde. On s’écrasait littéralement. Pendant près de deux heures, n’allait-on pas entendre, en effet, quelques-unes de nos sociétés les plus réputées la chorale mixte La Lyre, de Douai ; la Grande Harmonie de Roubaix ; les Harmonies municipales d’Aniche, de St-Amand, de Liévin, l’harmonie des Etablissements Agache, celle des Enfants de la Plaine, la Société Philharmonique d’Armentières, de Comines.
Toutes jouèrent deux morceaux. Est-il besoin de dire qu’ils furent exécutés avec un brio qui souleva à maintes reprises les applaudissements ?
Ceux-ci crépitaient plus furieusement quand les soli intervenaient. On bissait, l’enthousiasme était à son comble, mais toutes les sociétés devaient se conformer à la règle pour laisser place aux artistes suivants.
Bref, ce fut un succès complet pour les musiciens qui charmèrent le public.
Jeux et concours populaires
Malgré le temps, quelque peu défavorable malgré les averses qui mirent en fuite les promeneurs, de une à 3 heures, les jeux et concours populaires obtinrent leur habituel succès et furent suivis par leurs adeptes avec un entrain qui ne s’est point départi.
Jeux de bouchons, de billon ou de bac ; tir » l’arc au berceau ou au fusil-arbalète ; jeux du beigneaux ou de javelots, etc., furent suivi ; avec un bel entrain par les concurrents, qui se disputèrent les prix avec vigueur.
Partout, ce fut le même enthousiasme ; aucun incident ne vint marquer ces réjouissances populaires.
La soirée
Sous les splendides illuminations de la Grande-Place et de la rue Faidherbe, une foule grouillante a circulé toute la soirée.
Au début de la soirée, la température s’étant particulièrement adoucie, l’animation dans nos rues devint plus intense.