Les fêtes de la Pentecôte à Lille
Le Grand Hebdomadaire Illustré de la Région du Nord de la France – 31 mai 1931
(© Bibliothèque municipale de Lille – Côte Jx358)
La grande kermesse flamande, qui, depuis la guerre, déroule ses festivités à Lille à la .Pentecôte, a. obtenu, cette année encore, grâce au gai soleil qui l’anima. un vif succès. Ces jours de fêtes comportaient : le dimanche, un cortège de géants de Flandre, et le lundi un carnaval d’été.
Depuis les fêtes de la Renaissance, en 1921, dont le défilé rappelait d’assez loin le somptueux cortège de 1890, nous n’avions pas revu à Lille, les sympathiques géants flamands. Leur passage dans la capitale des Flandres a fait la joie d’une foule compacte qui était venue de toute la région pour les applaudir.
Le rassemblement, boulevard des Ecoles, offrit un spectacle des plus pittoresques. Arrivant par le boulevard de la Liberté, la rue de Paris ou les rues voisines, chaque seigneur ou grande dame s’avançait gravement sur son char, fier de la supériorité écrasante que lui donnait sur les humbles mortels qui se pressaient à ses pieds, sa stature imposante, colossale.
Certains ayant dédaigné la voiture se rendant au rendez-vous d’une manière plus démocratique : les entraves de leurs robes ne leur permettaient pas de marcher à pas de géants et leurs sautillements indiquaient toute la difficulté qu’ils éprouvaient à se presser pour ne pas arriver en retard.
Plusieurs, cependant, se firent attendre : le vent, plus encore qu’une princière coquetterie, en fut cause.
Les enfants de Gayant, Jacquot, Fillion et Binbin, ont pris comme il convenait, la tête de ce cortège de famille. Leur père s’était proposé de les accompagner. mais il a dû renoncer, en raison des difficultés qu’il aurait éprouvées à passer sous les fils de trolley. D’autres géants qui font partie du cortège, prétendent n’être pas d’une taille inférieure à la sienne ; sur leur passage, des serviteurs zélés, munis de longues perches, soulèvent les obstacles sur lesquels ils pourraient se heurter le front.
Pour amuser Binbin pendant le défilé, on n’a pas oublié de lui mettre dans la main son hochet et de le faire précéderd’un fou qui monte son mouton favori.
De Bourbourg, nous sont venus Gédéon et Alphonsine et tout un escadron de cavaliers burlesques qui tournent en rond autour d’eux.
Avec son casque d’acier, le sabre qu’il brandit et sa longue robe blanche, Gédéon en impose vraiment. Il lui arrivera, toutefois, de provoquer des rires irrespectueux par une chute malencontreuse survenue au moment du départ : grandeur et décadence, ce mot étant pris dans le sens étymologique.
La Bazenne des halles de Dunkerque a placé sur s0n char deux charmantes jeunes filles dont les costumes reproduisent dans leurs moindres détails celui de leur patronne : longs pendants d’oreilles sous le populaire bonnet blanc, châle de laine, tablier de soie d’un jaune tango.
Vision bien moyenâgeuse que ces communiers flamands précédant les deux géants de Courtrai : Mante et Kalle. Il n’est pas jusqu’aux couleurs vieillottes des vêtements du noble couple qui n’évoquent ce lointain passé : elles contrastent avec les tons éclatants dont sont parés les autres géants. Le sourire protecteur figé sur les lèvres de la Dame se retrouve sur les gravures anciennes.
Une bonne et sympathique figure de pêcheur sous un chapeau de cuir L’Oncle Co, de Malo-lcs-Bains. On lui avait donné lin billet de logement pour les abattoirs municipaux où il avait trouvé un hangar assez spacieux pour s’y mettre à l’abri avec son fidèle Polichinelle, mais un pénible accident, provoqué par une bourrasque, a coûté la vie à ce dernier. En contemplant sa barque et ses filets le vieux pêcheur semble se remémorer tristement toutes les tempêtes de sa longue carrière.
Yan den Houtkapper (Jean le Bucheron), de Steenvoorde. est accompagné du magistrat de la ville, dont les membres ont revêtu l’austère robe violette de sa fanfare et de ses fous qui exécutent autour de lui d’interminables farandoles en jetant en l’air des poupées qu’ils reçoivent dans les mains. Ce groupe compact et homogène a été particulièrement remarqué.
Quel anachronisme ! Sporkyn, de Furnes, l’un des plus célèbres capitaines des « Kerels » du XIIème siècle, arrive… en automobile. Son tacco, dont le moteur cogne durement, :a peut-être été préféré à d’autre pour son allure antique ; il ne peut, malgré tout, dater de quelque huit cents ans. Quoi qu’il en soit, cet ensemble de guerriers et de bouffons est l’un des mieux constitués et nos amis belges prouvent encore leur sens pratique en distribuant des notices signalant toutes les curiosités de leur vieille cité, autrefois si florissante.
Encore des pêcheurs : Batisse et Zabelle, de Boulogne. Lui, vieux loup de mer, la pipe à la bouche, sarrau jaune et tablier de toile huilée. Elle, pimpante avec sa coiffe de dentelle, son fichu et son tablier de soie.
Revenons an temps des légendes avec Bauduin IV et Alix, de Braine-le-Comte. On a voulu indiquer que ce seigneur fut un grand bâtisseur en lui mettant une truelle dans la main. Ses gens portent des hallebardes, jouent de la trompette, ou voltigent sur des chevaux de carton.
Et voici qu’apparaît la face rubiconde de Gargantua Galaffre, de Bailleul. Il termine un plantureux repas, composé d’un mouton, d’un pain de six livres et d’un fût de Bourgogne. Mais ce régime est-il assez substantiel pour un tel colosse ? Nous l’avons vu avant la guerre, alors qu’il mesurait 8 m. 50 de hauteur, aujourd’hui sa taille a été ramenés à 6 mètres ! Ses marmitons, tout de blanc habillés, font cependant preuve d’un beau zèle et cognent durement leurs ustensiles de cuisine.
Martin et Martine, de Cambrai, ne blanchissent pas avec les ans ; ils offrent toujours une ressemblance qu’on trouve rarement en1re mari et femme, à telle enseigne que pour les distinguer, il faut donner une épée à Martin et mettre des boucles d’oreilles à Martine.
Géant du siècle dernier, Reuze, de Bergues. a gardé son haut-de-forme de 1830, son légendaire pépin bleu marine et surtout sa bonne figure de paysan. De nombreux couples de la même époque, dansent et chantent en ouvrant de larges parapluies : la voilà bien la kermesse flamande !
Le Reuze, de Dunkerque, a quelques siècles de plus que le précédent. Il est, même installé sur un char romain et son armure est peut-être celle d’un guerrier franc. Il dépasse d’une tête tous les autres géants ; on comprend pourquoi les Dunkerquois sont fiers du panache de leur cité, qui n’a rien à envier à Marseille ! Pietjue, Mietje, Boutje, Meisje, ses enfants ; Allowyn, Dagobert, Gélon. Goliath, Roland, Samson, ses garde-corps, entourent le Reuze. Record du nombre après celui de la taille des géants.
Combien mesquins. apparaissent Jeanne Maillotte, Lydéric, Phinaert et Gambrinus, derrière 1m tel personnage. Ce sont de bien petits géants, ou plutôt de grands nains. Les Lillois n’ont pas à en être fiers, mais qu’ils se consolent à la pensée que bientôt leurs géants grandiront, non parce que la ville a l’intention de les remplacer par des personnages plus à la hauteur. Peut-être pourrait-on prendre pour étalon la tête du Tambour-major des Hurlus qui est vraiment de taille.
Le cortège du lundi fut vraiment réussi,. les groupes étant pour la plupart d’une originalité de bon aloi et d’une gaité communicative. On put constater un réel effort pour la richesse et la fraîcheur des costumes.
Nous n’entreprendrons pas une description détaillée de chacune des quatre-vingts sociétés participant au concours.
Voici dans l‘ordre du cortège, parmi les· groupes les mieux présentés : « Les Amis de la Finne pédale », de Wattrelos, dont les cyclistes sont nombreux et élégamment vêtus de pyjamas bleus et la société « L’Etoile sportive », de Saint-Amand-les-Eaux. qui compte, elle aussi , une section cycliste compacte.
Succès de rire pour les écoliers en vadrouille de l’« Harmonie de Blendecques » : s’ils n’apprennent rien en classe, ils savent du moins danser en mesures. De Blandecques sont encore venus les pierrots de « La Patriote ».
La noce flamande du « Club Montplaisir de Schaerbeck-Bruxelles » est des plus cocasses et les applaudissements éclatent sur son passage.
L’Exposition coloniale nous vaut plusieurs groupes d’arabes, de peaux-rouges et de nègres. Les « Canibales » de La Madeleine donnent la chair de poule car c’est celle d’un prisonnier qu’ils dévorent. Tous sont vraiment, noirs comme du cirage, depuis la tête jusqu’au… pagne qui constitue tout leur appareil vestimentaire et, la chaleur aidant, leur noir déteint sur le blanc qu’ils mangent à belles dents.
Le groupe de « L’Union des Commerçants de la porte des Postes » mérite une mention toute spéciale pour son effort méritoire qui pourrait être donné en exemple. Le char magnifique de la reine du quartier est une heureuse présentation de la porte des Postes livrée à la pelle des démolisseurs. La figuration qui l’entoure est abondante : sur l’air de « Choisis Lison », elle vante au public les avantages que lui offrent les commerçants du quartier. Deux autres chars : celui du « Reuze de Bergues », que traîne la cavalerie puissante de M. Léon Vaudroy, et l’ « Apothéose du Printemps », d’une présentation charmante, faite de mille roses, de libellules d’or et de corbeilles de fleurs, autour desquelles voltigent les gracieux papillons de la société carnavalesque le « Club des X »
Enfin voici, terminant le cortège, le char étincelant du « Point d’Interrogation », constitué par « Les Risquons-Tout de Lille ». Costes et Bellonte s’y trouvent et la France et l’Amérique sont personnifiées avec le charme et la jeunesse.
Le joyeux défilé dans les rues de Lille des géants des Flandres
Le Journal – 25 mai 1931 (© BNF Gallica)
Ce fut dans la dernière nuit de l’an de grâce 1930 que la chose se passa. Il était l’heure exacte où la vieille année va faire place à la nouvelle. A cette minute précise où, suivant la légende, les animaux parlent et les statues s’animent, cette nuit-là, Lydéric et Phynaërt, les deux géants lillois, firent trêve à leur querelle séculaire et résolurent de convoquer en un majestueux congrès leurs frères géants qui, depuis les temps les plus reculés, habitent les Flandres belges et françaises.
Trente-sept réponses affirmatives arrivèrent. C’est pourquoi aujourd’hui, jour de la Pen ecôte, retraçant une tradition plusieurs fois séculaire, les bons géants des Flandres sont venus pour défiler dans les rues de Lille, précédés de leurs musiques habituelles et accompagnés de leurs courtisans.
L’origine de tous ces grands bonshommes remonte pour la plupart à plusieurs siècles. Certains ont des lettres patentes de noblesse qui les font contemporains de Charlemagne. Les plus vieux ont vu les exploits des Wikings quand, arrivant sur leurs barques légères, ils venaient assaillir les villes du Nord, brûlant et massacrant tout sur leur passage. En certains endroits, leurs exploits sanguinaires suscitèrent l’héroïsme des habitants des villes menacées.
Ces hommes gigantesques sont aimés de tous les Flamands. Aussi peut-on évaluer à plus de deux cent mille personnes les curieux qui sont venus saluer les antiques défenseurs des Flandres et dont le long cortège se déroule en ce moment.
Voici d’abord la famille Gayant, de Douai, accompagnée de ses rejetons, Jacquot, Melle Fillion et le petit Bimbin, le dernier né. Dunkerque a envoyé un rude guerrier, tout bardé de fer, l’inoubliable Reuze-Papa, Northman converti, qui fit une belle marmelade de ses anciens frères d’armes quand, vers l’an 900, ils eurent l’étrange audace de venir une fois de plus assiéger la cité maritime.
Stenwoorde est représenté par Jean le Bûcheron, en souvenir d’un certain Yon de Houtskapper qui fut lui aussi un grand pourfendeur de Normands.
Voilà, plus près de nous, Gédéon et Alphonsine, de Bourbourg, nés seulement au XVIIème siècle, Bâtisse et Zabelle, les matelots boulonnais, l’électeur de Lamartine de Bergues, Martin et Martine de Cambrai, Sporkin, de Furnes, Polichinelle de Malo-les-Bains, Baudhuin IV et Alix de Namur, Gargantua Galaffre, de Bailleul, Mante et Kalle, de Courtrai, le tambour-major des Hurlus; et, fermant la marche, passent gravement les mortels ennemis, Lydéric et Phynaërt, l’héroïque Jeanne Maillotte qui chassa de Lille les bandits appelés les Hurlus et, enfin, Gambrinus, le roi de la bière, boisson .chère entre toutes à tout Flamand digne de ce nom.
Après le défilé, les géants tinrent un imposant congrès sur la grand’place de Lille. De nombreuses musiques se firent entendre et l’on assure que leurs refrains joyeux et bruyants n’empêchèrent nullement les discussions mystérieuses des gigantesques Flamands.
Les fêtes de la Pentecôte à Lille
Le Grand Hebdomadaire Illustré de la Région du Nord de la France – 31 mai 1931
(© Bibliothèque municipale de Lille – Côte Jx358)
La grande kermesse flamande, qui, depuis la guerre, déroule ses festivités à Lille à la .Pentecôte, a. obtenu, cette année encore, grâce au gai soleil qui l’anima. un vif succès. Ces jours de fêtes comportaient : le dimanche, un cortège de géants de Flandre, et le lundi un carnaval d’été.
Depuis les fêtes de la Renaissance, en 1921, dont le défilé rappelait d’assez loin le somptueux cortège de 1890, nous n’avions pas revu à Lille, les sympathiques géants flamands. Leur passage dans la capitale des Flandres a fait la joie d’une foule compacte qui était venue de toute la région pour les applaudir.
Le rassemblement, boulevard des Écoles, offrit un spectacle des plus pittoresques. Arrivant par le boulevard de la Liberté, la rue de Paris ou les rues voisines, chaque seigneur ou grande dame s’avançait gravement sur son char, fier de la supériorité écrasante que lui donnait sur les humbles mortels qui se pressaient à ses pieds, sa stature imposante, colossale.
Certains ayant dédaigné la voiture se rendant au rendez-vous d’une manière plus démocratique : les entraves de leurs robes ne leur permettaient pas de marcher à pas de géants et leurs sautillements indiquaient toute la difficulté qu’ils éprouvaient à se presser pour ne pas arriver en retard.
Plusieurs, cependant, se firent attendre : le vent, plus encore qu’une princière coquetterie, en fut cause.
Les enfants de Gayant, Jacquot, Fillion et Binbin, ont pris comme il convenait, la tête de ce cortège de famille. Leur père s’était proposé de les accompagner. mais il a dû renoncer, en raison des difficultés qu’il aurait éprouvées à passer sous les fils de trolley. D’autres géants qui font partie du cortège, prétendent n’être pas d’une taille inférieure à la sienne ; sur leur passage, des serviteurs zélés, munis de longues perches, soulèvent les obstacles sur lesquels ils pourraient se heurter le front.
Pour amuser Binbin pendant le défilé, on n’a pas oublié de lui mettre dans la main son hochet et de le faire précéderd’un fou qui monte son mouton favori.
De Bourbourg, nous sont venus Gédéon et Alphonsine et tout un escadron de cavaliers burlesques qui tournent en rond autour d’eux.
Avec son casque d’acier, le sabre qu’il brandit et sa longue robe blanche, Gédéon en impose vraiment. Il lui arrivera, toutefois, de provoquer des rires irrespectueux par une chute malencontreuse survenue au moment du départ : grandeur et décadence, ce mot étant pris dans le sens étymologique.
La Bazenne des halles de Dunkerque a placé sur s0n char deux charmantes jeunes filles dont les costumes reproduisent dans leurs moindres détails celui de leur patronne : longs pendants d’oreilles sous le populaire bonnet blanc, châle de laine, tablier de soie d’un jaune tango.
Vision bien moyenâgeuse que ces communiers flamands précédant les deux géants de Courtrai : Mante et Kalle. Il n’est pas jusqu’aux couleurs vieillottes des vêtements du noble couple qui n’évoquent ce lointain passé : elles contrastent avec les tons éclatants dont sont parés les autres géants. Le sourire protecteur figé sur les lèvres de la Dame se retrouve sur les gravures anciennes.
Une bonne et sympathique figure de pêcheur sous un chapeau de cuir L’Oncle Co, de Malo-lcs-Bains. On lui avait donné lin billet de logement pour les abattoirs municipaux où il avait trouvé un hangar assez spacieux pour s’y mettre à l’abri avec son fidèle Polichinelle, mais un pénible accident, provoqué par une bourrasque, a coûté la vie à ce dernier. En contemplant sa barque et ses filets le vieux pêcheur semble se remémorer tristement toutes les tempêtes de sa longue carrière.
Yan den Houtkapper (Jean le Bucheron), de Steenvoorde. est accompagné du magistrat de la ville, dont les membres ont revêtu l’austère robe violette de sa fanfare et de ses fous qui exécutent autour de lui d’interminables farandoles en jetant en l’air des poupées qu’ils reçoivent dans les mains. Ce groupe compact et homogène a été particulièrement remarqué.
Quel anachronisme ! Sporkyn, de Furnes, l’un des plus célèbres capitaines des « Kerels » du XIIème siècle, arrive… en automobile. Son tacco, dont le moteur cogne durement, :a peut-être été préféré à d’autre pour son allure antique ; il ne peut, malgré tout, dater de quelque huit cents ans. Quoi qu’il en soit, cet ensemble de guerriers et de bouffons est l’un des mieux constitués et nos amis belges prouvent encore leur sens pratique en distribuant des notices signalant toutes les curiosités de leur vieille cité, autrefois si florissante.
Encore des pêcheurs : Batisse et Zabelle, de Boulogne. Lui, vieux loup de mer, la pipe à la bouche, sarrau jaune et tablier de toile huilée. Elle, pimpante avec sa coiffe de dentelle, son fichu et son tablier de soie.
Revenons an temps des légendes avec Bauduin IV et Alix, de Braine-le-Comte. On a voulu indiquer que ce seigneur fut un grand bâtisseur en lui mettant une truelle dans la main. Ses gens portent des hallebardes, jouent de la trompette, ou voltigent sur des chevaux de carton.
Et voici qu’apparaît la face rubiconde de Garuantua Galaffre, de Bailleul. Il termine un plantureux repas, composé d’un mouton, d’un pain de six livres et d’un fût de Bourgogne. Mais ce régime est-il assez substantiel pour un tel colosse ? Nous l’avons vu avant la guerre, alors qu’il mesurait 8 m. 50 de hauteur, aujourd’hui sa taille a été ramenés à 6 mètres ! Ses marmitons, tout de blanc habillés, font cependant preuve d’un beau zèle et cognent durement leurs ustensiles de cuisine.
Martin et Martine, de Cambrai, ne blanchissent pas avec les ans ; ils offrent toujours une ressemblance qu’on trouve rarement en1re mari et femme, à telle enseigne que pour les distinguer, il faut donner une épée à Martin et mettre des boucles d’oreilles à Martine.
Géant du siècle dernier, Reuze, de Bergues. a gardé son haut-de-forme de 1830, son légendaire pépin bleu marine et surtout sa bonne figure de paysan. De nombreux couples de la même époque, dansent et chantent en ouvrant de larges parapluies : la voilà bien la kermesse flamande !
Le Reuze, de Dunkerque, a quelques siècles de plus que le précédent. Il est, même installé sur un char romain et son armure est peut-être celle d’un guerrier franc. Il dépasse d’une tête tous les autres géants ; on comprend pourquoi les Dunkerquois sont fiers du panache de leur cité, qui n’a rien à envier à Marseille ! Pietjue, Mietje, Boutje, Meisje, ses enfants ; Allowyn, Dagobert, Gélon. Goliath, Roland, Samson, ses garde-corps, entourent le Reuze. Record du nombre après celui de la taille des géants.
Combien mesquins. apparaissent Jeanne Maillotte, Lydéric, Phinaert et Gambrinus, derrière 1m tel personnage. Ce sont de bien petits géants, ou plutôt de grands nains. Les Lillois n’ont pas à en être fiers, mais qu’ils se consolent à la pensée que bientôt leurs géants grandiront, non parce que la ville a l’intention de les remplacer par des personnages plus à la hauteur. Peut-être pourrait-on prendre pour étalon la tête du Tambour-major des Hurlus qui est vraiment de taille.
Le cortège du lundi fut vraiment réussi,. les groupes étant pour la plupart d’une originalité de bon aloi et d’une gaité communicative. On put constater un réel effort pour la richesse et la fraîcheur des costumes.
Nous n’entreprendrons pas une description détaillée de chacune des quatre-vingts sociétés participant au concours.
Voici dans l‘ordre du cortège, parmi les· groupes les mieux présentés : « Les Amis de la Finne pédale », de Wattrelos, dont les cyclistes sont nombreux et élégamment vêtus de pyjamas bleus et la société « L’Étoile sportive », de Saint-Amand-les-Eaux. qui compte, elle aussi , une section cycliste compacte.
Succès de rire pour les écoliers en vadrouille de l’« Harmonie de Blendecques » : s’ils n’apprennent rien en classe, ils savent du moins danser en mesures. De Blandecques sont encore venus les pierrots de « La Patriote ».
La noce flamande du « Club Montplaisir de Schaerbeck-Bruxelles » est des plus cocasses et les applaudissements éclatent sur son passage.
L’Exposition coloniale nous vaut plusieurs groupes d’arabes, de peaux-rouges et de nègres. Les « Canibales » de La Madeleine donnent la chair de poule car c’est celle d’un prisonnier qu’ils dévorent. Tous sont vraiment, noirs comme du cirage, depuis la tête jusqu’au… pagne qui constitue tout leur appareil vestimentaire et, la chaleur aidant, leur noir déteint sur le blanc qu’ils mangent à belles dents.
Le groupe de « L’Union des Commerçants de la porte des Postes » mérite une mention toute spéciale pour son effort méritoire qui pourrait être donné en exemple. Le char magnifique de la reine du quartier est une heureuse présentation de la porte des Postes livrée à la pelle des démolisseurs. La figuration qui l’entoure est abondante : sur l’air de « Choisis Lison », elle vante au public les avantages que lui offrent les commerçants du quartier. Deux autres chars : celui du « Reuze de Bergues », que traîne la cavalerie puissante de M. Léon Vaudroy, et l’ « Apothéose du Printemps », d’une présentation charmante, faite de mille roses, de libellules d’or et de corbeilles de fleurs, autour desquelles voltigent les gracieux papillons de la société carnavalesque le « Club des X »
Enfin voici, terminant le cortège, le char étincelant du « Point d’Interrogation », constitué par « Les Risquons-Tout de Lille ». Costes et Bellonte s’y trouvent et la France et l’Amérique sont personnifiées avec le charme et la jeunesse.